L’arrivée d’un nouveau directeur général au CHU de Brazzaville est un signe. Dans sa première prise de contact avec la presse, Denis Bernard Raiche a affirmé sa volonté de redresser les situations en distorsion : améliorer les services, assainir la gestion, rendre les médicaments disponibles pour les malades et non pour les lobbies de médecins, faire fonctionner l’appareillage essentiel, contrer l’absentéisme. Bref : faire tout le contraire de ce qui a prévalu jusqu’ici, titanesque !
Le nouveau directeur veut soigner un corps malade de ses presque 2000 agents. 2000 hommes et femmes et autant de pesanteurs, d’habitudes devenues des lois, de privilèges pour les uns et de désagréments pour ceux qui n’ont qu’une hâte ; se rattraper . Notre plus grand hôpital a sauvé des vies, qui peut en douter ? Mais dans le ressenti de l’opinion, la pyramide est irrémédiablement inversée. Comme s’il sortait de cet établissement plus de cercueils que d’anciens malades.
Et les raisons de cet état des faits existent. Les exemples de malades décédant par négligence ne manquent pas. Tout comme les cas de malades à transporter dans le dos parce que l’ascenseur est en panne. De nouveaux nés morts parce qu’un scalpel maladroit leur a tailladé la tête à a césarienne. D’ordonnances de médicaments inutiles, mais qui disparaissent mystérieusement dès le décès qu’ils étaient censés sauver…
Tout cela est vrai. Chacun dans les quartiers a son lot d’anecdotes glaçant le dos, autant d’épisodes que M. Raiche est appelé à effacer en moins de deux ans de mandat. Son prédécesseur et compatriote a essayé. Il s’est heurté à la férocité de ceux qui défendaient leurs positions acquises. La ministre de la Santé a reconnu qu’il avait «déblayé» le terrain. Parce qu’il ne s’agit pas de dépoussiérer des acquis mais de rompre avec des années de mauvaises habitudes.
Nous attendons le résultat de cette volonté. Nous attendons l’adhésion des syndicats qui, il y a dix jours encore, réclamaient «une congolisation des postes». La vertu n’est pas plus congolaise que la prévarication n’est étrangère. Nos dirigeants continuent d’aller se faire soigner de préférence à l’étranger. C’est le signe que dans l’hôpital d’aujourd’hui, ce qui manque ce ne sont pas les compétences, mais la confiance.
Et comme elle ne se décrète pas, c’est à nous tous de la construire dans un contexte marqué par les difficultés de tous genres. Ensuite, avec la confiance, nous devons retrouver le respect de la vie. Tant qu’un malade ou un mort ne sera pas vu comme personne en dignité, tous les discours et tous les experts n’y feront rien. Que l’hôpital nous redonne le sourire, nous lui rendrons la confiance.

Albert S. MIANZOUKOUTA