Le maréchal-président du Tchad Idriss Déby Itno 68 ans, dont 30 ans au pouvoir, est décédé mardi 20 avril 2021, des suites de blessures au combat infligées par les rebelles au Nord du pays, selon les généraux de l’armée. Après sa mort, un Conseil militaire de transition a été mis en place, dirigé par le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby Itno, son fils. L’instance est issue d’une charte de transition prévoyant l’abrogation de la Constitution qui a été brièvement publiée aussitôt après.

Le défunt président était présent à l’investiture de son homologue congolais Denis Sassou Nguesso, vendredi 16 avril dernier à Brazzaville.
De sources proches du nouvel homme fort du pays, la transition durera 18 mois et le pouvoir sera ensuite remis aux civils. Mais l’opposition et la société civile dénoncent un coup d’Etat constitutionnel. Car la Constitution du Tchad stipule qu’en cas de vacance de pouvoir le président de l’Assemblée nationale assure la transition et organise les élections dans un délai raisonnable.
«Coup d’Etat», c’est ce que dénoncent une trentaine de partis de l’opposition réunis au lendemain de l’annonce de la mort d’Idriss Déby. Même réaction du côté des poids lourds de l’opposition tels: Saleh Kebzabo, ou le parti des Transformateurs du jeune Succès Masra. Ils dénoncent un coup d’Etat car, disent-ils, c’est le fils qui succède au père, l’un comme l’autre est haut gradé. «Le rôle des militaires est d’assurer la sécurité aux frontières, pas de prendre le pouvoir par les armes», a fait savoir Mahamat Bichara, porte-parole de la coalition de l’opposition. «Le Conseil militaire de transition n’est pas pour confisquer le pouvoir», a rassuré son président, Mahamat Idriss Déby. Mais cela ne suffit pas pour convaincre les opposants qui menacent d’appeler les Tchadiens au soulèvement populaire.
Coup d’Etat, le mot est aussi sur toutes les lèvres au Tchad ou ailleurs du fait que l’Assemblée nationale, le gouvernement et la Constitution du pays sont dissous, alors qu’un couvre-feu est instauré de 20h à 5h du matin par le Conseil militaire de transition.
L’opposition réclame une transition civile et l’ouverture d’un dialogue inclusif. Elle craint que le nouveau président ne respecte pas la transition de 18 mois et que l’histoire se répète. Le même scénario d’il y a 30 ans, en 1990, lorsqu’Idriss Déby Itno, alors âgé de 38 ans s’emparait du pouvoir, en chassant Hissène Habré. Il tenait quasiment le même discours. Pourtant, n’eut été sa mort, il s’apprêtait à prêter serment pour un sixième mandat.
«Ce n’est pas le rôle de l’armée de prendre le pouvoir ni de le gérer. Même si on parle de 18 mois, après, les mêmes gens sont capables de créer une rébellion pour pouvoir prolonger le fils du président qui a presque le même âge que son père avait quand il a pris le pouvoir… Mahamat Idriss Déby qui va faire encore. Ce sont là nos craintes», souligne François Djékomdé, président de l’Union sacrée de la République.
Pour éviter que les mêmes clauses produisent les mêmes effets, le leader des Transformateurs estime que la transition doit revenir aux civils. «C’est le président de l’Assemblée nationale qui assure l’intérim en cas de vacance de poste et en cas d’empêchement définitif. L’absence de cela, c’est un coup d’Etat. Ceux qui doivent prendre le pouvoir dans l’immédiateté, doivent être ces civils-là, mais qui doivent se donner le mandat qui permette que tous les Tchadiens s’asseyent pour pouvoir définir ensemble le nouvel Etat à travers un dialogue», a-t-il fait savoir.
Depuis le début de la crise, les chefs traditionnels se sont exprimés un peu tardivement. Mais ils se disent inquiets des remous que provoque la succession du défunt président.
C’est ce vendredi 23 avril qu’ont lieu, à N’Djamena, les obsèques du maréchal du Tchad, en présence de ses pairs d’Afrique et du président français Emmanuel Macron qui regrette la perte d’un allié de taille dans la lutte contre le terrorisme en Afrique.

Gaule D’AMBERT