Comme on l’aimait à l’appeler, Willy, le photographe de l’archidiocèse de Brazzaville et de La Semaine Africaine s’en est allé. La vie est comme une pièce de théâtre où chacun joue son rôle puis s’en va. L’homme naît et grandit. Le pèlerinage de Willy sur terre s’est achevé. Il ne sera plus visible sur les artères de Brazzaville, dans les paroisses, les communautés religieuses. Il a tiré sa révérence au matin du mercredi 21 août 2024 au Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville (CHU-B), à l’âge de 56 ans, des suites d’une courte maladie, laissant derrière lui huit orphelins.
Tu es poussière, tu retourneras en poussière». Willy n’est que le diminutif de Wilfrid, de son nom à l’état civil, Gislain Wilfrid Arsène Boumba. Ce licencié en sociologie, sorti du moule de l’université Marien Ngouabi, a appris le journalisme sur le tas à travers ses nombreux articles dans la rubrique «Vie de l’Eglise» de La Semaine Africaine. De par son gabarit, il était impressionnant, imposant et dérangeait tout le monde, qu’il n’en déplaise à certaines personnes, car il était au four et au moulin. Toujours présent partout, son appareil de photo accroché au cou et son sac en bandoulière, parcourant les rues et avenues, les paroisses, les Congrégations religieuses, à la quête des informations pour meubler la rubrique «Vie de l’Eglise», en même temps que son petit business, la photo, son cheval de bataille. Nous avons collaboré 16 ans durant avec Willy dans la rubrique «Vie de l’Eglise». Je l’ai connu dans la confrérie Sainte Rita. Lui, à la paroisse Saint-Esprit de Moungali, et moi à Saint Jean-Baptiste de Talangaï. C’était, dans la simplicité de son cœur, toujours disponible aux exigences de son métier, la photographie qui était sa spécialité. Il disait: «Ce boulot, ce métier est très exigeant et ingrat. Il faut faire la courbette auprès des clients après un travail réalisé, mais il faut être patient, disponible et discipliné. Avant que je n’arrive à La Semaine Africaine, c’est ce boulot qui faisait ma vie». Nous formions une équipe au sein de la rubrique «Vie de l’Eglise» où nous travaillions d’arrache-pied, sans relâche, parfois sous tension. Il était méticuleux, difficile à convaincre, il n’aimait pas les remarques formulées à la légère pour le bien de la rédaction. Il ne cédait à aucune pression, ne reculait pas et agissait comme s’il était le secrétaire de rédaction ou le directeur de publication. Il prenait les remarques avec beaucoup de réserve et de légèreté, mais était très regardant sur les accords grammaticaux. «Tu dois te discipliner pendant les célébrations eucharistiques à la Place mariale de la cathédrale Sacré-Cœur et partout dans les paroisses, lui disais-je chaque fois». Et sa réponse: «Je suis reporter photographe et je dois avoir des fonds pour subvenir à mes besoins» Gislain Wilfrid Arsène Boumba a laissé une trace indélébile à la patine du temps. «Vie de l’Eglise» est la rubrique phare du Journal La Semaine Africaine qui traite et diffuse les activités des paroisses, des mouvements d’apostolat, des diocèses du Congo, des Commissions épiscopales, des Congrégations religieuses, publie les messages des évêques du Congo (sessions pastorales, assemblées plénières et autres), du Conseil œcuménique des Eglises chrétiennes du Congo, les homélies du dimanche et autres confessions religieuses. Si bien que les rendez-vous qu’il prenait avec ses clients et abonnés de la photo lui procuraient de la joie et ou de l’amertume.Le matin, le soir, il parcourait à pieds les paroisses, les Congrégations religieuses et les domiciles, pour remettre les photos bien encadrées aux ayant droits. Il était le missionnaire de la photo sans peur, sans gêne, sans crainte et sans reproche avec comme gage: la foi, l’espérance et la charité. Parfois, il livrait des photos à crédit et sans le moindre fonds. «J’irai déposer les photos à X dans l’espérance d’avoir quelque chose pour subvenir aux besoins de mes huit enfants», disait-il. Il s’est beaucoup intéressé à la vie de ses enfants et à leur éducation scolaire. Il connaissait des milliers de noms de prêtres et religieuses jusqu’aux derniers venus dans le sacerdoce, allant de paroisse en paroisse, de Sainte Marie Madeleine d’Inoni Plateaux à Saint Michel de Goma-Tsétsé. Partout où il se rendait, Willy enregistrait dans sa mémoire, son calepin et dans son cœur des centaines de noms et visages qu’il reconnaissait avec joie. Ta mort cher collègue, à 56 ans, après de bons et loyaux services à La Semaine Africaine, ainsi qu’auprès des archevêques Anatole Milandou (archevêque émérite) et Bienvenu Manamika Bafouakouahou laisse un vide. Les prêtres et toutes les religieuses connaissaient bien ton inséparable appareil de photo accroché au cou et ton sac en bandoulière. Tant de personnes sont affligées par ta mort, heureuses de se souvenir et de t’avoir connu. Tu as marqué ton histoire et tu t’es révélé au grand public avec ton appareil de photo et la qualité de tes images.
Adieu, Willy, le photographe, le journaliste. Bon et fidèle serviteur, entre dans la maison et dans la joie de ton maître.
A noter que la veillée de Willy se tient au n°28 rue Makabana, croisement avenue Tonton Ol, derrière le stade Alphonse Massamba-Débat, non loin de l’école primaire de Diata.
Pascal BIOZI KIMINOU