Au regard de la démocratie qui est mise à rude épreuve au Congo, la coalition Tournons la page-Congo (TLP) et la National institute for Democracy (LDI) ont organisé le 2 juillet dernier au centre des Polios de Pointe-Noire, les travaux de restitution de leur rapport axé sur l’étude des Constitutions du Congo. Cette rencontre était co-animée par Brice Makosso, coordonnateur de TLP-Congo, et Alain Lounganana, chargé du programme TLP-Congo. Elle a rassemblé une trentaine de journalistes, toutes presses confondues, de la ville océane.

Prenant le premier la parole, Brice Makosso a tout d’abord expliqué les motivations ayant conduit à cette étude. «Les problématiques des changements intempestifs de Constitutions, de pérennité des Institutions, de leur consolidation et d’alternance démocratique apaisée au pouvoir au Congo, ont conduit à cette étude et les objectifs qu’elle vise». Au terme de son analyse, le TLP-Congo et NDI ont noté comme fait marquant de leur étude les changements intempestifs de Constitutions. Hormis les lois constitutionnelles de la période coloniale (1958 à 1959), le Congo a connu depuis son indépendance en 1960 huit Constitutions et autan d’Actes fondamentaux régissant les périodes de crise ou de transition, soit seize lois fondamentales, au total. La durée moyenne de chacune de ces lois fondamentales est de trois ans et six mois. Ce rapport met en évidence des préoccupations sur les institutions; les rapports entre les principaux organes d’exercice du pouvoir judiciaire; les droits et libertés fondamentaux; la démocratie.
S’agissant des Institutions, les deux organisations ont noté une instabilité chronique. En d’autres termes, chaque président au pouvoir s’en va avec sa constitution et les institutions qu’elle prévoit. Cette instabilité se manifeste par: la succession d’une kyrielle d’institutions aux formes variées: Exécutif monocéphale, bicéphale ou à trois composantes; parlement monocaméral ou bicaméral. La mise en place des institutions provisoires à l’issue ou pendant les crises politiques ou encore pour gérer les périodes de transition politique ou démocratique. La période du parti unique, notamment en 1968,1973,1977 a donné au pays ce type d’organes: Conseil national de la république, Etat-major révolutionnaire, Comité militaire du parti. Cette période a aussi connu la suppression de certains organes d’exercice du pouvoir: le cas de la constitution de 1969, qui ne prévoyait pas de parlement, notamment pas l’assemblée nationale.
Concernant la démocratie, le rapport souligne que toutes les constitutions du Congo condamnent la prise du pouvoir par la force et son exercice de manière tyrannique. Cependant, le pays en a connu trois. Les Constitutions favorables à l’alternance démocratique, car elles limitent à deux le nombre de mandats présidentiels ou encore prévoient la limite d’âge pour ne plus être candidat à une élection présidentielle; les Constitutions comportant des risques d’atteinte à l’alternance démocratique car bien que fixant la durée du mandat présidentiel à cinq ans, limitent leur nombre à trois et ne prévoient aucune limite d’âge pour ne plus se présenter. Les Constitutions hostiles à l’alternance démocratique, lesquelles ne prévoient aucune limitation du nombre de mandats présidentiels, ne fixent pas de limite d’âge pour ne plus être candidat, et prévoient l’élection du président de la république par les instances du parti unique.
En définitive, le rapport conclut que la démocratie demeure encore un échec au Congo. Le coup d’Etat ou la prise du pouvoir par la force est devenue la règle et l’élection, l’exception. La sortie des présidents de la république est une éternelle histoire de honte, d’humiliation, de barbarie et de sang. En 60 ans d’indépendance, le pays n’a connu qu’une seule alternance démocratique, celle d’août 1992 entre le président sortant Denis Sassou- Nguesso et le président élu Pascal Lissouba. Mais il en fut chassé, à l’issue de la guerre civile de juin à octobre 1997.
Pour cela, TLP et NDI ont formulé des recommandations en vue de garantir et renforcer le constitutionnalisme et l’alternance démocratique.
Au Gouvernement, au Parlement et à la classe politique de prendre des mesures consensuelles pour:
-Mettre en place une Commission sur la réforme constitutionnelle ;
-Réorganiser la Cour constitutionnelle ;
-Moraliser la vie politique
Aux associations et organisations de la société civile: développer un plaidoyer en direction des pouvoirs publics et des acteurs politiques pour faire connaître leurs demandes et les faire aboutir; faire de la mobilisation citoyenne sur la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels et de leur durée à 5 ans.
Aux professionnels de l’information et de la communication: mettre en place des activités de communication pour sensibiliser l’opinion publique sur le bien-fondé de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels et de leur durée à 5 ans, chacun.
A la Force Publique: se soumettre au contrôle de l’autorité civile et de respecter les droits et libertés fondamentaux des citoyens.
Aux magistrats et autres acteurs de la justice: travailler sur la refonte du pouvoir judiciaire, avec pour objet d’aboutir à l’indépendance de la justice en faisant des propositions concrètes.
A la population: s’engager pleinement dans la réalisation de l’alternance démocratique.
A la communauté internationale et particulièrement aux partenaires au développement: soutenir les efforts de réforme constitutionnelle du Congo dans le but de consolider l’alternance démocratique, la paix et la stabilité des institutions par des appuis techniques et financiers.

Equateur Denis NGUIMBI et Madocie Déogratias MONGO