Doyen honoraire de la faculté de droit de l’Université Marien Ngouabi, le Pr Placide Moudoudou a animé, mardi 25 février dernier à Brazzaville, une conférence-débat à l’occasion du 10e anniversaire des tribunaux administratifs au Congo couplé aux 10 ans de la création de l’Ecole doctorale de cette faculté qui est le temple des sciences juridiques en République du Congo.
L’événement déroulé à l’auditorium de la présidence de l’UMNG, rempli de passionnés de droit et d’étudiants avait pour thème : «Regard sur les dix premières années des tribunaux administratifs au Congo (2014-2025)». C’était aussi l’occasion de présenter la moisson de cette école qui a déjà façonné dans ses moules au moins trois dizaines de docteurs.

Cette conférence a permis au Pr Moudoudou de revenir sur l’évolution des tribunaux administratifs, mis en place en 2014, dans le but de garantir une meilleure gestion des conflits entre les citoyens et l’administration publique. À travers un exposé détaillé, le conférencier a analysé les principaux défis rencontrés par ces juridictions spécialisées, mais aussi les avancées significatives qu’elles ont réalisées dans l’amélioration de la justice administrative.
Pour lui, à partir de 1983, le législateur et le constituant ont arraché le contentieux public à la cour suprême. Ce qui est une révolution. Dans la mesure où on a déterminé la procédure administrative contentieuse, on a créé la cour des comptes et le conseil constitutionnel, alors le troisième pays africain après Djibouti et Madagascar à avoir créé un conseil constitutionnel.
Pour qualifier l’œuvre des deux tribunaux administratifs que possède le pays, notamment Brazzaville et Pointe-Noire, le conférencier estime que «ces deux tribunaux ont la marque de la fidélité au droit administratif français. Mais quand on scrute de plus près, on voit bien que l’œuvre de ces deux tribunaux est marqué du sceau de la spécificité…le juge se dégage de l’emprise du juge administratif français… », a fait savoir le Pr Moudoudou. Et de poursuivre : « cette fidélité se remarque à travers trois points : le recours aux sources du droit administratif, le recours aux catégories juridiques fondamentales du droit administratif et la question de référés administratifs.
Le conférencier a ainsi souligné que, bien que de nombreux progrès aient été accomplis, il restait encore des obstacles à surmonter, notamment en ce qui concerne l’accès à la justice administrative et la formation continue des magistrats. Il a également évoqué la question de l’adhésion du public à ces tribunaux et la nécessité d’une meilleure communication sur leur rôle.
« La justice administrative joue un rôle éminent dans l’équilibre entre l’administration et le citoyen. Cependant, pour qu’elle remplisse pleinement sa mission, il est nécessaire que ces tribunaux continuent de se moderniser et de se rapprocher davantage des citoyens. Raison pour laquelle il a lancé un appel aux dirigeants notamment au chef de l’Etat, pour entre autres, réformes : la création d’un ordre juridictionnel administratif incluant une juridiction d’appel et une juridiction suprême ; la création d’une agence judiciaire du trésor pour suivre l’exécution des décisions (inscrire dans la loi des finances toutes les condamnations de l’Etat) ; etc.
L’assistance a eu l’occasion de poser des questions, suscitant des échanges riches sur la place des tribunaux administratifs dans le paysage judiciaire congolais, ainsi que sur leurs perspectives de développement. La conférence a également permis de souligner l’importance de renforcer la formation des professionnels du droit et des juges afin de garantir une meilleure gestion des affaires administratives. De nombreuses idées ont émergé, ouvrant la voie à des débats futurs sur l’amélioration de la gouvernance judiciaire dans le pays.
La conférence a également été une occasion de réflexion sur les enjeux actuels et futurs des tribunaux administratifs au Congo. Si les dix premières années ont permis de poser les bases, il reste à voir comment ces institutions se développeront dans les années futurs pour répondre aux défis d’une justice plus équitable et accessible à tout le monde.
Gaule D’AMBERT