Après sa sortie officielle en novembre 2019 à Dolisie, le Congrès d’initiatives démocratiques et sociales (CIDES), n’a pas fait beaucoup parler de lui dans les médias ; pas de coups d’éclats sur la scène politique. Sans esclandre, et dans un contexte de pandémie de la COVID-19, ce parti politique poursuit l’installation de ses structures de base dans l’ensemble du pays. «Non, ce n’est pas de la léthargie», explique Maître Destin Arsène Tsaty-Mboungou, le président du CIDES.

Depuis la sortie officielle du CIDES le 29 novembre 2019, on n’entend plus parler de votre parti. Pourquoi cette léthargie ?
** Depuis la transformation de notre cercle de réflexion en parti politique le 29 novembre 2019 à Dolisie, beaucoup de choses se sont passées. Comme vous pouvez l’imaginer, pour un parti politique en création, ce n’est pas évident de s’imposer rapidement sur la scène politique nationale. Mais nous y arrivons. Aussitôt après la création, il a fallu passer à la formalisation d’un certain nombre de documents qui ont été déposés courant mars 2020 au ministère de l’Intérieur.
Par ailleurs, dans la nuit du 28 au 29 décembre 2019, le Président du CIDES que je suis a fait l’objet d’une tentative d’assassinat ici à mon domicile. Il m’a fallu sortir du pays pour des soins médicaux spécifiques suite aux coups de poignards que j’avais reçus. Cela a ralenti tant soit peu nos activités. Et ensuite est arrivée la pandémie de la COVID-19, avec le confinement général de la population. Mais tout cela n’a pas entamé l’enthousiasme qui s’était manifesté lors de la création et la sortie officielle du CIDES.
En définitive, il n’y a pas de léthargie, c’est simplement le contexte socio sanitaire actuel dominé par le coronavirus qui nous enferme dans des activités plutôt restreintes du point de vue du nombre des personnes à réunir dans les rassemblements politiques. Mais en dépit de cela, nous sommes en train de structurer le parti, en tenant compte des mesures barrières édictées par les autorités compétentes. Donc le parti est en train de se structurer.
*Concrètement, quelles sont les activités déjà menées ?
**Dans une période relativement courte, c’est-à-dire de décembre 2019 à mars 2020, peu avant le confinement, nous avons mis en place les structures dans les départements et dans les communes de plein exercice. Notamment à Pointe-Noire, dans le Kouilou et à Dolisie. Puis après sont tombées les mesures de confinement et nous avons donc dû arrêter nos activités.
Depuis la levée du confinement et la limitation à 50 du nombre de personnes dans les réunions et assemblées, le travail de structuration a repris. Ainsi nous avons déjà mis en place le Comité exécutif, c’est-à-dire la direction du parti au Niari et à Mossendjo. Nous avons aussi installé le Comité exécutif de la Lékoumou. La délégation du CIDES est déjà passée dans les Plateaux, la Sangha et dans la Likouala. Très prochainement nous installerons nos représentations dans les deux Cuvettes, le Pool et, pour terminer, dans la Bouenza. Le Parti n’est donc pas en sommeil comme d’aucuns le pensent. Mais il faut reconnaitre que la création et l’installation d’un Parti politique dans le contexte actuel est très difficile. On ne peut pas remplir les salles de réunion avec des foules, le nombre est limité à 50 personnes.
L’installation des structures du parti dans tous les départements est nécessaire, d’autant plus que cela nous permet d’attester auprès de l’administration du territoire de notre existence effective dans l’ensemble des départements du pays.
*Quelle est la suite de la vie de votre parti à court, moyen ou long termes ?
**La réflexion à laquelle les cadres du CIDES s’attellent actuellement, c’est de faire vivre le parti de manière démocratique. Nous sommes donc en train d’élaborer la stratégie de fonctionnement du parti CIDES avec en substance la formation des cadres et des militants. Il faut donner une âme à ce parti, et cela ne peut se faire, après la structuration, qu’à travers la formation politique.
Si nous devons exiger du pays que les institutions nationales soient démocratiques, il faut que les différents partis politiques soient véritablement démocratiques. C’est l’idéal que j’essaie de partager à tous les cadres du CIDES qui ne doit souffrir d’aucune gestion patrimoniale. Pour, moi le CIDES doit d’abord être un lieu d’échange, de réflexion et de créativité démocratique.
A court terme nous allons donc mettre en place des systèmes, des programmes et des lieux de formation pour le CIDES. Et dans les jours qui viennent, nous allons nous atteler à donner une plus grande visibilité au Parti, à travers la poursuite des activités d’adhésion beaucoup plus intenses.
*Le projet du Gouvernement de créer un corps électoral spécial de la force publique fait polémique dans la classe politique. Quel est l’avis du CIDES à ce sujet ?
**La question de fond est de savoir si les militaires sont des électeurs ou pas ? Ont-ils le droit d’exprimer leur droit de vote ? C’est la question de principe. Si on répond OUI, alors pour le reste, que l’on créée ou non une liste électorale à part entière, il sera difficile dans le contexte actuel du pays, de faire passer une telle idée de façon unanime. Pourquoi ? Simplement parce que l’ensemble de la classe politique de notre pays gère une crise politique. Il n’existe aucune confiance entre les acteurs politiques.
Comment voulez-vous que ceux qui sont opposés au pouvoir actuel puissent considérer que lorsque nous aurons sorti de l’ensemble des listes électorales un corps donné pour en faire une spécificité, il n’y a pas là une possibilité de tricher? La suspicion est là, simplement parce que nous vivons dans ce pays une véritable crise de confiance de la classe politique. Ceux qui ont des accointances avec les gouvernants diront que c’est une initiative tout à fait normale et que la commission sera transparente, et l’opposition pourra y regarder, etc… Et l’opposition vous dira qu’on ne peut pas avoir confiance, c’est un outil que l’on créé pour gonfler les listes électorales. En fait, tout cela est la résultante du fait que le pays a connu une grave crise depuis 1997.
Probablement, nous pouvons fermer les yeux sur un certain nombre de maux, mais il y a un véritable malaise dans le pays. C’est à cela qu’il faut apporter une réponse. Cette réponse doit venir à la fois de ceux qui gouvernent, et de ceux qui ne sont pas au pouvoir. Ce faisant, en s’élevant, en faisant prévaloir l’intérêt du pays, en faisant preuve d’humilité, en extirpant le ressenti de frustration de ceux qui ne sont pas au pouvoir et qui s’installent dans l’opposition, et pour beaucoup, non pas sur la base des principes de programmes ou projets politiques des uns et des autres, mais plutôt sur la base des ressentis qui ne sont pas du tout des fictions. Ce sont ces sentiments de vainqueurs d’une guerre à un moment donné d’une part, et des sentiments de vivre d’humiliation et de frustrations d’autre part, que hélas la classe politique continue à trainer, à transporter, et que nous risquons de transmettre ou de transporter de générations en générations.
C’est pour cette raison que je pense, depuis 1997, qu’il n’y aura pas de régime démocratique dans ce pays, au sens noble du terme, si nous ne posons pas clairement et en préalable la question de la réconciliation nationale. Comment faire pour installer la démocratie dans un pays comme le nôtre, qui a connu tant de soubresauts ? Ceux qui sont au pouvoir ont la responsabilité de créer les conditions pour que les intelligences de ce pays soient capables de s’assoir, d’apporter de véritables réponses à cette question au cours des débats qui ne devraient pas être fondés sur la conservation du pouvoir, sur la peur des uns, ou encore sur la revanche des autres. Par la suite, la question de créer ou pas une liste électorale spéciale sera facile à régler.
*Nous venons de célébrer les 60 ans d’indépendance, quels sentiments cela vous inspire-t-il ?
**Soixante ans d’indépendance. 60 ans d’âge, ça dépasse la moyenne d’espérance de vie d’un simple congolais. Cela veut dire que le temps est arrivé, le moment est venu pour que les uns et les autres nous soyons capables d’aimer le pays, de faire preuve de tolérance et d’humilité et de se dire, est-ce que nous sommes capables, ensemble, de réfléchir sur le système politique, ou plutôt sur la nature des institutions politiques qui sont susceptibles d’assurer la cohésion nationale et de permettre demain à ce que les générations qui viennent vivent dans un système réellement démocratique. C’est la seule voie qui permettra à l’ensemble des forces de ce pays, qu’elles soient du nord ou du sud, de construire ce pays ensemble, sans avoir peur de l’autre.
Au moment où nous entrons dans la soixantième année de l’indépendance de notre pays, je voudrais modestement proposer cette approche à la classe politique. Nous ne devons pas nous dire que tout est beau dans ce pays. Non ! Nous devons regarder les choses en face. Je suis persuadé que rien n’est impossible pour corriger tous les travers. C’est un problème de volonté politique.
*Avez-vous un message à adresser aux militants du CIDES ?
** Je voudrais remercier les militants qui viennent de plus en plus nombreux au CIDES et qui certainement partagent les idées que je venais d’énoncer pus haut. Il est indispensable que nous continuions à travailler pour faire entendre raison aux uns et aux autres.
Aux cadres et intellectuels de tout le pays, je voudrais lancer un appel au ressaisissement. Il faut que les cadres de toutes les régions s’éveillent. Qu’ils se réveillent en bannissant, en dépassant le tribalisme, le cercle de la région, de la tribu ou du village. C’est la nation qu’il faut construire. Créons les conditions d’un dialogue politique responsable qui permettent de regarder ensemble comment faire reculer les murs de haine pour que le pays avance et se développe.

Propos recueillis par
Jean BANZOUZI MALONGA
(De retour de Dolisie)