Les foules ont été rassasiées par la compassion de Jésus. Mais finalement il faut que chacun rentre chez soi, à la réalité de la vie quotidienne. On ne peut pas que chercher une halte de contemplation et de réconfort… La douceur de la Parole du Seigneur et la force de son regard d’amour nous renvoient au chemin de notre histoire, avec ses vagues, ses tempêtes, ses aspérités.
Parfois nous voudrions que notre rencontre avec le Seigneur ne soit qu’une «extase», une sortie de soi-même et de sa réalité. Comme les disciples le demanderont plus tard, on voudrait rester sur la montagne avec Jésus, y construire nos tentes, et oublier tout le reste. Utiliser la foi comme une évasion, ne pas la vivre comme la source de notre mission d’amour. C’est parfois le risque qui se manifeste dans les sectes qui proposent surtout une parole et un culte de consolation, des lieux pour se réconforter et se retrouver en harmonie, en méprisant le monde avec ses luttes, la société avec ses contradictions, l’Eglise avec sa réalité terrestre et humaine. Mais tout cela, n’est pas ce que le Seigneur nous propose. Il ne nous offre pas de fuir la réalité, mais par son amour il nous renvoie à notre histoire, à notre chemin de témoignage, d’engagement, d’espoir, de charité. Dans la foi on vient chercher le Seigneur dans «le désert», mais pour renouveler notre «oui» à notre mission de disciples dans la vie concrète de notre famille, de notre peuple, de notre monde.
Il pourrait être plutôt facile d’accepter le Seigneur qui nous délivre des anxiétés du monde, mais souvent on remet en question sa présence quand on est dans la tempête. C’est cela que les disciples vont apprendre, cette nuit. Après les avoir obligés à le précéder sur l’autre rive, le Seigneur semble les avoir abandonnés dans la barque, en proie à la tempête. Mais il ne les oublie jamais. Il va juste leur montrer que dans leur vie il y aura bien de tempêtes à affronter, mais ceux qui suivront sa parole ne perdront jamais leur chemin. L’Eglise sera toujours secouée, mais sa barque ne coulera jamais.
Les Pères de l’Eglise ont souvent aperçu dans cette barque une belle image de l’Eglise dans le monde, et le Pape François nous le rappelle: «Ce qui la sauve, ce ne sont pas le courage et les qualités de ses hommes: la garantie contre le naufrage est la foi en Jésus et dans sa parole. Voilà la garantie: la foi en Jésus et dans sa parole. Sur cette barque, nous sommes en sécurité, en dépit de nos pauvretés et de nos faiblesses, surtout quand nous nous mettons à genoux et que nous adorons le Seigneur» (Angelus, 13.8.2017).
Les vagues que nous avons à affronter dans notre histoire personnelle et dans l’histoire de l’Eglise, ne sont pas le signe de la distance du Seigneur. On ne mesure pas la présence du Seigneur en fonction de notre tranquillité, ou de la solution de nos problèmes. La présence du Seigneur ne nous soustrait pas aux difficultés de la vie, mais nous conduit à les affronter dans la justice, la persévérance, la charité.
Dans les épreuves et les tempêtes, le Seigneur sera toujours là, avec nous, et il nous dira: «Viens». Comme il le dit à Pierre, et son apôtre se souvint peut-être de ce jour-là, sur la rive de la même mer de Galilée, quand Jésus avait prononcé le même verbe: «Venez», «Venez à ma suite, et je vous ferai pêcheurs d’hommes». Pierre avait eu confiance dans cette parole, il avait laissé ses filets et il n’avait pas eu peur de le suivre dans la vie. Cette nuit-là, il eut la même confiance, en descendant de la barque aussitôt qu’il l’avait écouté lui dire: «Viens». Mais soudainement, les vagues et le vent avaient tenté de détourner les yeux de Jésus et il avait commencé à enfoncer. Et puis, encore, son cri d’espoir et de confiance l’avait sauvé: «Seigneur, sauve-moi».
Nous aussi, quand les vagues et le vent de notre vie sont trop forts, nous sommes tentés de perdre de vue la présence du Seigneur. Notre faiblesse peut nous faire enfoncer, mais c’est à ce moment-là que nous pouvons lui crier: «Seigneur, sauve-moi». Il sera toujours là, nous étendant sa main et nous disant: «Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté?»
P. Francesco BRANCACCIO