C’est l’un des rares passages du Nouveau Testament ou Jésus explique lui-même le sens de sa Parole. Cela devrait exempter nos chers fidèles, pour une fois, de supporter nos longues homélies, parfois sans préparation, ennuyeuses et trop moralisantes. Mais pour les célébrations liturgiques publiques de dimanche, l’Eglise recommande, pour le bien de nos fidèles, d’articuler quelques mots pour partager la Parole de Dieu. Et pour ce dimanche (XVe -A), notre méditation de la Parole de Dieu porte sur la Parabole du semeur. La parabole, en tant que genre littéraire, était très présente dans la littérature hébraïque. Nous en connaissons environ trois mille et Jésus les utilisait souvent. Il excelle à les raconter et le rabbin Klausner, de l’Université hébraïque de Jérusalem, disait que le chef-d’œuvre de la littérature juive était les paraboles de Jésus.
Le mot «parabole», en hébreu «mâchâl», signifie «récit symbolique destiné à faire découvrir un sens caché». La parabole ne s’impose pas, elle propose, elle éveille. Elle manifeste un grand respect pour les auditeurs et s’adresse à la capacité d’imagination de celui et de celle qui l’écoutent. Pendant trois dimanches consécutifs, nous allons entendre les sept paraboles que Matthieu a regroupées dans le troisième grand discours de son évangile. Jésus est alors à un tournant difficile de son ministère: il se heurte à l’hostilité ouverte des chefs religieux qui ont décidé de le supprimer et à l’indifférence des foules qui sont déçues par ce messie qui refuse de passer à l’action politique.
Dans la parabole du semeur, l’intérêt de Jésus est dirigé vers la semence du Royaume de Dieu. Déjà Isaïe, dans la première lecture d’aujourd’hui (55,10-11), compare la semence à la pluie. La Parole de Dieu, dit le prophète, a besoin de pluie ou d’eau pour la faire germer. Mais l’Évangile sait que la pluie ne sert à rien s’il n’y a pas une graine déjà présente dans la terre. Les deux choses, les trois sont nécessaires: la pluie, la semence et la terre sinon il n’y a pas de germination ni de récolte. Mais concentrons-nous sur cet élément: la semence. Quand Paul VI disait que nous devions rénover l’Église et que cela était l’objectif du Concile Vatican II, il dit très clairement: «La rénovation ne signifie pas de s’accommoder aux modes modernes, parfois antichrétiennes du monde. Le Rénovation signifie, faire en sorte que l’Église soit cohérente avec la semence qui a été plantée.»
Un arbre, tout autant qu’il pousse, ne peut être que cohérent avec sa semence. Ce qu’il nous faut retenir c’est que la Parole de Dieu est une semence qui ne peut être altérée. Nous voudrions une doctrine qui s’accommode de nos intérêts. Nous voudrions d’une prédication qui ne dérange pas tant, qui ne crée pas de conflits. Mais, quand le Christ planta cette graine, il y eut des conflits parce que cette semence qui est la Parole du Juste, du Saint, de Celui qui sait ce qu’Il voulait lorsqu’Il a créé l’être humain et la nature, oriente et heurte le péché, contre ceux qui ne veulent pas laisser croître cette semence. Déjà dans l’Ancien Testament, quand vous lisez la Genèse, Dieu dit une «Parole», mais non pas une parole mensongère comme plusieurs des paroles d’aujourd’hui, sinon une parole puissante, une parole qui identifie l’allocution, la volonté et l’action. Une Parole qui lorsqu’elle dit «que la lumière soit», elle fut. Celui qui est monté dans la barque à l’orée du lac, enseignant aux foules, c’est Dieu qui est en train de parler dans la langue araméenne pour être entendu de ceux qui l’écoutent. À la Pentecôte, Il se fit polyglotte, aujourd’hui, Il parle lingala, kituba ou français, Il continue de s’exprimer au travers de ses prêtres dans cette Eglise. Mais si ce Christ est la Parole de Dieu, saint Paul peut l’appeler d’une façon très originale: «Il est le Oui et l’Amen des promesses.» Comme pour nous dire que tout ce que Dieu a promis dans l’Ancien Testament est accompli dans le Christ, le Dieu fait homme. «Amen» veut dire «c’est ainsi». C’est la consommation de ce que Dieu a dit. C’est un acte de foi, croire que tout ce que Dieu a promis comme Salut, comme bonheur, est incarné en Lui. Il y a d’abord la semence qui tombe sur le bord du chemin. Ceci représente les périodes où trop de choses prennent toute la place et risquent d’étouffer notre foi. «Vous comprenez, j’aimerais bien être à l’écoute de la Parole de Dieu le dimanche! Mais, j’ai mes fêtes de famille, les séries à la télé, les rencontres de nombreuses mutuelles,… et puis, il y a la fatigue de la semaine, alors je profite du week-end pour me reposer…».
Et la rencontre avec Dieu passe après tout le reste. Il y a les terrains rocailleux qui rendent notre foi superficielle et éphémère. La jeune pousse fait des racines mais elle n’a pas de profondeur et est vite brûlée par le soleil, avant d’avoir grandi. La superficialité peut arrêter toute croissance de la vie chrétienne, même après l’enthousiasme des débuts. Il y a aussi les terrains avec des épines. La foi est alors étouffée par «les soucis du monde et la tromperie de la richesse». Jésus n’a cessé de mettre en garde contre l’ambiance matérialiste de notre civilisation. Bien sûr, nous avons besoin d’argent, de confort, de détente, de biens matériels, mais on ne peut se restreindre aux biens de consommation. La foi risque alors de disparaître: «L’homme ne vit pas seulement de pain». Le Seigneur a raconté cette parabole du semeur afin de souligner la générosité de Dieu qui sème à tous les vents. Il a confiance en nous et invite tout le monde à devenir de la bonne terre. Malgré tous les échecs, nous dit le Christ, la récolte sera bonne.

Saturnin Cloud BITEMO, SJ