Il y a un contraste sidérant à constater, avec l’homme de la rue, que «les deux industries les plus dynamiques du pays» sont la bière et la morgue. Chaque jour que Dieu fait, nous nous donnons en spectacle attablés aux bistrots, seuls ou avec des amis, hommes ou femmes, devant un alignement de bouteilles ou de cannettes bien moussantes dès 9h du matin. C’est d’ailleurs le meilleur indicateur pour savoir si les salaires ont été virés dans les banques.
Et, dans le même temps, nous sommes aussi le pays qui enterre ses morts à tout-va. Les cimetières sont à peine ouverts qu’il faut en ouvrir de nouveaux. Le coronavirus n’a pas amplifié les choses ; ses morts ne sont venus que s’ajouter au flot ininterrompu des corbillards. Car, nous mourrions déjà avant, en grand nombre; nous passions déjà de veillées en veillées dans les quartiers et dans les familles; allions de cotisations en cotisations.
Mais le vrai contraste dans cette situation est que nous multiplions pourtant les structures de santé; que nous recevons de plus en plus de jeunes gens formés en médecine pour soigner les trop nombreux maux qui fauchent autant de personnes et remplissent tant les cimetières. Dans les trois derniers mois, le parc hospitalier congolais s’est enrichi de deux établissements généraux, à Brazzaville et à Pointe-Noire.
Nous avons accueilli les cohortes de nos jeunes médecins formés à Cuba et en Chine; avons changé de ministre de la Santé; de directeur du CHU et mis fin à la coopération sanitaire avec le Québec. Nous avons mis fin aussi, peut-être, aux grèves qui paralysaient les structures de santé, aux malaises causés par la présence de telle ou telle autre personne. Nous en attendons du mieux.
L’hôpital de Nkombo-Matari et celui de Ngoyo ne sont pas encore entièrement fonctionnels. Au moins, ils traduisent une volonté de mieux faire pour la sauvegarde de la santé des citoyens. Le palu est guérissable, la COVID est évitable, tout comme d’autres pathologies graves et moins graves. Pourtant, il y a dans l’air comme une déprime qui nous jette dans l’effroi dès qu’on parle d’hospitalisation dans nos propres hôpitaux. La poursuite des évacuations sanitaires à l’étranger indique que, décidément, tout n’est pas au point chez nous. Par nous.

Albert S. MIANZOUKOUTA