Il est des instants où les mots manquent au plus loquace des commentateurs rendu muet par la violence des instants. Surtout devant la mort inopinée. Tout devient alors comme une vilaine farce de la vie, dont on pense que l’on se réveillera au plus tôt. Mais, on a beau se pincer, se gratter la tête, se frotter les yeux, les mots qui sortent de la bouche sont d’une rare platitude : quoi? c’est vrai? depuis quand? mort de quoi ?
Nous étions mardi et je lui donnais quelques orientations. Mercredi est passé et elle est allée en reportage. Jeudi, on m’apprend qu’elle est décédée. Elle est partie sans une quinte de toux, sans un grelot de fièvre, sans une courbature signalée. Juste ces maux de ventre qui se sont aggravés vers la fin de la journée. Jeudi était jour férié au Congo. L’après-midi, nos principaux hôpitaux avaient porte à demi-closes du fait de la grève qui frappe les agents de santé.
Ajoutons à cela le légendaire mauvais accueil aux urgences de nos hôpitaux ainsi que les multiples tergiversations qui paralysent les personnels dans des conflits de compétence ou de préséance et voilà Aybienevie, femme toujours souriante et polie, mère de famille attentive à sa petite fille Exode-Rita, sombrant dans un drame où les sourires et les supplications ne trouvent plus aucun cœur s’assouplir et adoucir ses derniers jours de vie. Elle s’en est allée comme un météore nous laissant pantois, flageolants.
A La Semaine Africaine, nous avons reçu cet autre coup de massue. Mais nous ne sommes pas accablés. En l’espace d’un temps bref, nous avons perdu quelques-uns de nos journalistes les plus représentatifs de la rédaction. La disparition d’Aybienevie ajoute d’ailleurs au dépeuplement des agents féminins de notre équipe à côté de la cohorte de nos disparus. Adieu Jean Bantsimba-Malonga, Pascal Azad Doko; adieu Willy Boumba et adieu, donc, Aybienevie N’kouka-Koudissa.
A eux s’ajoute une liste d’ouvriers de cet organe, souvent fauchés dans la fleur de l’âge, fragilisant ce plus vieux journal d’Afrique Centrale, mémoire vivante du Congo et de la sous-région. Nos larmes sont de très grande tristesse, mais nous continuerons le métier là où ils l’ont laissé. Avec le soutien multiforme de nos lecteurs, témoins de notre entrée dans une époque où les technologies nous livrent une concurrence qui ne nous console certes pas.
Que le Seigneur dont Aybienevie se réclamait de manière affirmée fasse que le repos à ses côtés de tous ces serviteurs de la plume ne soit troublé par aucune vicissitude. Notre foi nous y aidera.
Albert S. MIANZOUKOUTA