Henri Elendé, premier athlète congolais à avoir remporté une médaille d’or dans une compétition sportive internationale, est décédé jeudi 23 juin 2022 à Brazzaville, à l’âge de 80 ans. Plus de cinquante ans après avoir fait ses adieux à la piste. Dans les années 60, il n’y avait pas que les footballeurs qui pouvaient électriser les foules. En athlétisme, Henri Elendé, brillant sauteur en hauteur, volait non seulement très haut, mais il volait parfois la vedette aux stars du ballon rond. Elégant, fin et racé dans sa jeunesse, l’ancien joueur de football du Real Azzurra de Poto-Poto (1954-1955, avec Fortuné Mayanda, Makouana ‘’Bolida’’, Diop Mamadou ‘’Helmut Rahn’’, Bolela, etc.) fut l’un des premiers athlètes ressortissants de cette école congolaise dont les membres sont formés dans les lycées brazzavillois, avant qu’ils ne rejoignent Paris ou les prestigieux instituts d’Afrique du Nord, à Alger et à Tunis. Ses aînés ont été Pascal Mouassiposso, qui deviendra président de la Fédération congolaise d’athlétisme, Etienne Mongha (futur vice-président de la Fédération, assassiné en 1966) et Maxime Matsima (sportif omnisports qui sera champion d’Afrique avec l’équipe nationale de football en 1972), pour ne citer que ces trois-là. Et ses cadets : les perchistes Jean-Prosper Tsondzabeka et Elebou, etc.
Henri Elendé naît le 13 novembre 1941 à Brazzaville. Il noue ses premiers amours avec l’athlétisme durant son cycle secondaire au lycée Pierre Savorgnan de Brazza. Sous la férule d’un professeur français d’EPS, M. Lolliot. Les longues heures d’entraînement qu’il passe en compagnie de ce coopérant blanc au Centre sportif de Bacongo (actuel Centre sportif et universitaire de Makélékélé) lui valent une médaille d’or aux 1ers Jeux de l’Amitié d’Abidjan (regroupant la France et les pays d’Afrique francophone) en 1961. Il n’a pas encore 20 ans révolus. Le véritable déclic qui mettra Elendé et le public en osmose interviendra aux 2es Jeux de l’Amitié de Dakar en 1963 quand il arrache l’or, une fois de plus, mais cette fois devant le champion d’Afrique, le Tchadien Idriss Mahamat absent deux ans plus tôt à Abidjan. Le public congolais n’a mesuré la portée de cette récompense que quand il a fallu faire le décompte des médailles. C’était l’unique breloque glanée par le pays.
En 1964, après deux mois de préparation à Boulouris, dans le sud de la France, en vue des Jeux Olympiques de Tokyo, Henri Elendé améliore le record national en franchissant 2,14 m à Châtellerault. Cinquante-huit ans après, ce record résiste encore, bien qu’égalé par un certain Silaho en 1990. Quelle longévité ! Aux 1ers Jeux africains de Brazzaville en 1965 qu’il a préparés à Paris, porte-drapeau de la délégation congolaise, il a l’insigne honneur de lire le serment de l’athlète et sur le sautoir donne au pays une médaille d’argent.
Brillant dans les études que sur les sautoirs, Henri Elendé avait mené de front études et carrière sportive au plus haut niveau. Après les Jeux africains de 1965, il est reparti à Paris pour poursuivre ses études, d’abord à l’INS (Institut national des Sports), ensuite à l’INSEPS (Institut supérieur d’éducation physique et des sports). Devenu sociétaire du Stade Français, il est champion de France universitaire en 1965 et 1966.
En 1970, diplôme de professeur adjoint d’EPS en poche, il rentre au pays. Pour y devenir haut-commissaire aux Sports (1970-1972), puis successivement directeur national des Sports (1973-1974 et 1981-1987), directeur régional des sports (1978-1981), directeur général de la Jeunesse (1989-1991) et inspecteur général de la Jeunesse et des sports (1991-1996). Désigné ‘’Athlète congolais du siècle’’ en 2000 («On m’a fait une fête en payant 80 photos alors que je n’avais rien perçu pour cette distinction», me souffla-t-il) et directeur technique du Comité national olympique et sportif congolais pendant plusieurs années, le grand sauteur vivait dans le calme avant de connaître ces dernières années des soucis de santé.
Grand narrateur et humoriste, Henri Elendé était facilement abordable. Et parce qu’il fut un athlète puis un dirigeant exceptionnel, ‘’La Semaine Africaine’’ lui a consacré des centaines de colonnes tout au long de sa carrière. La nation n’a pas été en reste. Ce n’est pas un hasard si le gymnase construit à côté du Stade Massamba-Débat, à la faveur des Jeux africains de 2015 que le pays a abrités cinquante ans après ceux de 1965, porte son nom. Et le 3 septembre 2015, le Président de la République l’a honoré en lui décernant l’Ordre national du mérite sportif au grade de Commandeur.
Adieu, l’athlète éternel!

Guy-Saturnin MAHOUNGOU