Tout n’est plus que dialogue désormais ! Le dialogue, on le découvre, on en fait la profession de foi des politiques, on le propose comme préalable de résolution de crise, on en fait un projet de vie politique. On rappelle à l’envi ses vertus; c’est lui, assure-t-on, qui aurait amené la paix et la stabilité dans les sociétés ancestrales. Pourvu qu’il y ait le dialogue, inclusif de préférence, le Congo sera préservé de la tentation de recourir à la violence aux prochaines élections.
Peut-être. A tout prendre, il est peut-être préférable des politiques qui dissertent de manière libre, que des humeurs qui s’expriment par la fronde. Il vaut très certainement mieux se parler que de se faire la guerre. Le Congo n’a que trop eu recours à la force pour s’imposer des choix politiques. Il n’a que trop déploré par la suite «les bêtises humaines» à répétition dont il a été à la fois la victime et la responsable sans frein, qu’il a déclenchées pour un gain pitoyable.
L’ardeur à implorer le dialogue laisse de côté notre propre nature de Congolais tombés dans la marmite de la politique du mauvais côté. Celui où la marmite était plus tiède et où la sauce n’a pas vraiment pris. Les plats n’en sortent ni chauds, ni froids, mais juste ce qu’il y a de cosmétique pour sauver les apparences. C’est-à-dire continuer de vaquer à nos occupations sans être dérangés, ni déranger les habitudes de notre spécificité congolaise.
Qu’on se souvienne: c’est bien au sortir d’un dialogue refondateur géant, lors d’une conférence nationale décrétée souveraine, avec tous les symboles et les attributs des personnes voulant désormais ne s’affronter que dans les urnes, que le Congo bascula. Que les guerres éclatèrent, découvrant de nous ce que nous ne nous savions pas capables d’infliger à un frère, à une sœur, aux enfants et aux vieillards. Ce dialogue-là ne suffit pas à endiguer ces envies mortifères en tous.
Ont suivi d’autres dialogues. Ils sont cités en référence, mais qu’ont-ils apporté de vrai chez les politiques ? Ils n’ont rien empêché de faire dans la partie du décalogue que rappelait Mgr Ernest Kombo du haut de la tribune de la Conférence nationale: «Tu ne voleras point, tu ne mentiras point, tu ne tueras point»? Aujourd’hui, cela semble désuet, inutile. Non que nous nous soyons assagis, mais parce que la morale devient encombrante dans une Nation où les antivaleurs ont aussi leurs praticiens enviés.
Donc, dialogue. Il est désormais inscrit dans la Constitution, et c’est une bonne chose. Mais un pays qui multiplie les dialogues (et les violences) pour dénoncer les problèmes, toujours les mêmes, doit s’interroger sur la sincérité de ses proclamations. C’est l’opposition qui réclame le dialogue et la majorité qui, pour l’instant, affirme qu’il n’y a pas péril en la demeure. Effet de mode?

Albert S. MIANZOUKOUTA