Le vent des coups d’Etat se répand en Afrique de l’Ouest. Après le Mali, la Guinée Conakry, le Burkina Faso emboîte le pas. Les militaires ont destitué, le soir du lundi 24 janvier dernier Roch Marc Christian Kaboré, président élu du Burkina Faso. Toutes les composantes des forces de défense et de sécurité du Faso se regroupent désormais autour du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) dirigé par le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba, nouvel homme fort du pays.

Roch Marc Christian Kaboré
Roch Marc Christian Kaboré

Dans le communiqué lu par le jeune capitaine Sidsoré Kader Ouédraogo porte-parole du mouvement putschiste, il ressort que l’armée met fin aux pouvoirs de M. Roch M. C. Kaboré, la constitution est suspendue, le Gouvernement est dissout ainsi que l’Assemblée nationale. A cela s’ajoutent la fermeture des frontières aériennes et terrestres et l’instauration d’un couvre-feu de 21h à 5h du matin, jusqu’à nouvel ordre.
Les putschistes ont précisé que le MPSR s’engage à «proposer dans un délai raisonnable un calendrier de retour à l’ordre constitutionnel accepté de tous». Le porte-parole a également assuré que les opérations se sont déroulées sans effusion de sang et sans aucune violence physique. Seulement, on ne sait toujours pas où se trouvent le président déchu et ses codétenus. Bien que de temps à autres, il donne de ses nouvelles par son compte twitter, notamment quand il appelle les militaires à déposer les armes, pour l’intérêt supérieur de la nation, et le post de sa démission écrite à main levée, sans cachet.
Les rivalités entre Roch Marc Christian Kaboré et une partie de l’armée remontent au loin. Un an après la chute de Blaise Compaoré, Roch M.C. Kaboré est élu président du Burkina Faso. C’est donc en 2015, l’année où il est investi président que le pays connait les premières attaques jihadistes sur son sol.
Au fil des années, la fréquence, l’intensité et les zones d’intervention de ces attaques augmentent.
En janvier 2016, l’attentat contre l’hôtel Splendid et le Café Capuccino dans la capitale Ouagadougou fait 30 morts, des étrangers en majorité. En 2017, au moins 21 personnes trouvent la mort dans une nouvelle attaque à Ouagadougou. En 2018, les attaques deviennent plus fréquentes.
En 2020, Roch Marc Christian Kaboré réélu président en novembre, promet de faire de la lutte contre le terrorisme sa priorité. Pour l’opposition, des centaines de milliers d’électeurs déplacés à cause de l’insécurité n’ont pas pu voter. Ce qui, selon elle, entame la crédibilité du résultat du vote.
Actuellement, le Burkina Faso compte 1,5 million de déplacés. Ajoutant ainsi à la crise sécuritaire, une crise humanitaire. En juin 2021, à Solhan dans le nord-est du pays, plus d’une centaine de villageois sont tués. En novembre de la même année, 53 gendarmes perdent la vie à Inata. Ici les révélations font état de problèmes de ravitaillement du détachement visé, tant en matériel qu’en nourriture. Les soldats doivent se débrouiller à faire la chasse dans les broussailles alentour pour se nourrir. Ce qui a fortement choqué l’opinion.
Deux semaines avant le soulèvement militaire, les autorités annonçaient l’arrestation de plusieurs militaires soupçonnés de préparer un coup d’Etat. Parmi ces militaires, le colonel Zoungrana réputé pour son courage et sa bravoure. Sa troupe constituée d’une dizaine d’éléments seulement, avait réussi à repousser les assaillants lors d’une attaque surprise.
C’est finalement dans la nuit de samedi à dimanche que les armes ont commencé à crépiter dans les casernes du Faso. Et ce qui était au départ une revendication pour le changement à la tête de l’Etat major de l’armée s’est révélé être un coup d’Etat. Roch Marc Christian Kaboré est déposé par l’armée au grand dam de la communauté internationale qui réclame sa libération.

Paul-Henri Sandaogo Damiba

Le nouvel homme fort du Faso, la quarantaine révolue, est lieutenant-colonel d’infanterie. Paul-Henri Sandaogo Damiba est diplômé de l’école militaire de Paris. Il est aussi titulaire d’un master en sciences criminelles du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) de Paris et d’une certification d’expert de la Défense en management, commandement et stratégie…Il est l’auteur d’un essai sur le terrorisme publié en juin dernier, et intitulé : «Armées ouest-africaines et terrorisme: réponses incertaines ?».
Paul-Henri Sandaogo Damiba était devenu le 3 décembre dernier commandant de la troisième région militaire du pays, qui est notamment responsable du dispositif antiterroriste dans la zone est du pays et de la sécurité de la capitale Ouagadougou. C’est le président Kaboré qui l’a nommé à ce poste. Après un réaménagement dans la hiérarchie militaire au lendemain de l’attaque d’Inata qui avait fait 57 morts, dont 53 gendarmes.

Marcellin MOUZITA