Ce devait être un moment historique ! Vendredi 8 juillet, le président de la transition burkinabè, le lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba, a convié cinq anciens chefs d’État burkinabè au palais présidentiel de Kossyam. L’objectif de cette rencontre: lancer la réconciliation nationale pour faire front face au terrorisme, mais aussi échanger sur les intérêts supérieurs de la nation. Pour l’occasion, le président Damiba a même permis le retour de Blaise Compaoré. Mais seuls deux anciens présidents se sont présentés.
C’est en présence d’un Blaise Compaoré, diminué physiquement et qui tenait difficilement debout, que le lieutenant-colonel Paul Henri Damiba a expliqué que cette concertation avait pour but la recherche de solutions pour une paix durable. «Le processus n’est pas fait pour consacrer l’impunité, mais pour contribuer à la recherche de solutions pour un Burkina Faso de paix et de cohésion. L’urgence de la préservation de l’existence de notre patrie commande une synergie d’action.»
Trois anciens chefs d’État n’ont pas pris part à la concertation pour diverses raisons. Au nombre desquels, Roch Marc Christian Kaboré, dont le domicile a été pris d’assaut tôt le matin par ses partisans pour l’empêcher d’y participer. «Il n’y a pas longtemps, il y a eu le jugement de l’affaire Thomas Sankara où l’ancien président Blaise Compaoré a été condamné. De ce point de vue, la polémique a enflé sur le respect de la Constitution, la séparation des pouvoirs, la nécessité que les condamnations soient suivies d’exécutions…. En tant qu’ancien chef d’État, je suis soucieux de la situation du pays et je suis engagé à apporter ma contribution.»
Autres absents : Michel Kafando, déclaré souffrant, et Yacouba Isaac Zida. Selon un proche, il n’a pas souhaité prendre part à une réunion qu’il considérait trop précipitée. Au final, plus de la moitié des Chefs d’État conviés par le président Damiba ne sont pas venus. «Tout ça pour ça !», a confié un membre actif de la société civile. «Ce n’est pas une réconciliation, mais une mascarade» a estimé Boukari Conombo, président du Brassard noir, un mouvement de la société civile.
«L’urgence de la préservation de notre patrie ne nous autorise pas le luxe de perdre le moindre temps dans la polémique», a déclaré le président Damiba, à l’issue de la rencontre. Ce dernier a souligné que des dispositions sont déjà prises pour poursuivre individuellement les concertations avec les absents à la rencontre.
Pour le Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples, cette rencontre a surtout révélé la véritable feuille de route de la junte au pouvoir: «La restauration des caciques du régime déchu de Blaise Compaoré et l’absolution de tous leurs crimes sous prétexte de réconciliation nationale.»
C’est donc à la suite de cette rencontre que l’ancien Président Blaise Compaoré qui vivait en exil à Abidjan depuis 2014 a refoulé le sol Burkinabé. Jeudi 7 juillet, un avion avait été mis à sa disposition par les autorités ivoiriennes. Cet avion s’est posé sur la base militaire de Ouagadougou, où l’attendait un hélicoptère. C’est à bord de cet appareil d’ailleurs qu’il a été transféré à la présidence du Faso. De nombreux sympathisants de l’ex-Président qui avaient effectué le déplacement ont été empêchés de l’aéroport pour des questions de sécurité, d’après les Forces de sécurité intérieure. Cela s’est passé sans heurts. A l’aide de tee-shirts, banderoles et chants à l’honneur de Blaise Compaoré, ils sont venus apporter leur soutien à l’ex-Président. Ce voyage avait été préparé au minutieusement en amont entre la présidence ivoirienne et le régime de transition burkinabè. Ensuite, de nombreux contacts ont été pris ces derniers jours.
«C’est un acte de réconciliation nationale de grande portée», a fait savoir une source à la présidence ivoirienne.
Ce retour alimente des débats à Ouagadougou. Si certains citoyens estiment que ce retour peut contribuer au renforcement du processus de réconciliation nationale et la lutte contre le terrorisme, d’autres par contre y voient des manœuvres politiciennes. Ces derniers estiment que le droit et les décisions de justice doivent être respectés. Ce retour au pays n’est pas définitif, car selon nos sources, Blaise Compaoré devrait regagner Abidjan, le 10 juillet au plus tard.

Alain-Patrick MASSAMBA