Nous n’en sommes pas encore à envisager, le cœur léger, l’après coronavirus. Trop tôt. Chaque jour, le compteur égrène la montée angoissante du nombre de cas de malades. Chaque semaine désormais, nous enregistrons le décès d’une personne connue, ici au pays ou au loin dans la diaspora. C’est signe que nous ne devons plus jouer aux insouciants et que la maladie existe bel et bien. Qu’elle ne concerne pas que les autres.
Des mesures barrières ont été imposées; nous les observons peut-être plus par crainte des agents de contrôle que pour nous mettre à l’abri vraiment. Ou pour mettre les autres, nos proches, à l’abri du mal. Peu importe. L’essentiel est de se mettre en situation de non-contamination, de prendre conscience d’un mal qui n’a encore ni vaccin, ni médicament, mais qui existe. Et nous fauche.
Très anxiogène, le sujet ne devrait pas être de ceux que l’on traite dans l’intervalle d’une simple colonne de journal, fût-il catholique comme le nôtre. Mais à ne pas en parler ne fait qu’empirer les choses. C’est s’entourer d’une ouate qui n’apportera aucun avantage à notre état de santé général. Le mal ne reculera pas, si nous ne le faisons pas reculer.
Quitte à me contredire, qu’est-ce qui restera – devra rester – après toutes les phases de confinement, déconfinement, désinfection, prises en charge et tests de contrôle? Que deviendra la société congolaise une fois l’épidémie vaincue? Quels sont les réflexes qui demeureront une fois que le coronavirus aura été vaincu? Bien malin qui pourra joueur à cette loterie des devinettes !
On peut cependant hasarder que le rituel du lavement des mains, avant et après une activité, pourrait bien nous rester comme vestige positif d’une situation totalement négative. Se laver les mains, dût notre orgueil en souffrir, n’a pas toujours été un réflexe facile chez nous. Autour de maximes et de poncifs du dernier degré d’insouciance – «le Noir ne meurt jamais de microbes» – nous nous sommes donnés des libertés pour reculer un acte hygiénique pourtant simple et salvateur. Ou bien c’est l’eau qui a manqué, ou bien le savon. Prétextes!
Le fait de ne pas se saluer par la main jusqu’à s’en décrocher les épaules aussi ; de ne pas se jeter dans les bras avec une effusion d’acteurs de cinéma: tout cela peut bien aller avec notre mode de vie. D’autant qu’il y a des ethnies chez qui serrer la main d’un dignitaire, c’est l’offenser. Claquement de doigts seulement. Les enterrements au lendemain d’un décès, les veillées où on ne s’adonne plus à des libations de Bacchus, avec une sono étourdissante: il n’y a pas que du mauvais en leur disparition!
Mais, plus que tout, cette pandémie nous a de nouveau rappelé à la fragilité de notre être. Comment puissants et humbles nous ne formons qu’un seul destin d’humains devant la maladie, et devant Dieu, maître de la vie. La solidarité ne devrait pas être qu’un mot. Le Congolais qui a de l’humour en toute chose dit: pourquoi dois-je me laver les mains à tout instant pour un pangolin que je n’ai pas mangé? Parce que, même à 10.000 Km de chez nous, un virus dont on ignore l’origine peut nous atteindre. Solidarité!

Albert S. MIANZOUKOUTA