Pays en crise politico-militaire depuis des décennies, la République centrafricaine semble ne pas sortir du spectre de la guerre. La réforme de la Constitution dans les tiroirs du Parlement avant son invalidation par la Cour constitutionnelle a agité les Centrafricains de tous bords. Le débat était vif, car la révision du texte fondamental de 2016 pourrait permettre à Faustin Archange Touadéra de rempiler pour un troisième mandat à la tête du pays.

Commentant le projet de nouvelle Constitution, le ministre conseiller spécial du président Touadéra, Fidèle Gouandjika, estimait que «ce que veut le peuple souverain, c’est une nouvelle Constitution et non une modification simpliste d’une Constitution qui a été mal écrite», pour justifier, selon lui, le recours au référendum. Tandis que la plus haute juridiction du pays, la Cour constitutionnelle a donné raison à l’opposition qu’il était inopportun de changer la Constitution au risque de mettre le pays à feu et à sang.

Mme Danièle Darlan
Mme Danièle Darlan

Ce refus de la Cour constitutionnelle de permettre le référendum constitutionnel a suscité la colère du pouvoir, notamment du président Touadéra qui a démis de leurs fonctions Danièle Darlan et Trinité Bango Sangafio, respectivement présidente et vice-président de cette haute instance judiciaire. Sous prétexte qu’ils avaient atteint l’âge limite pour la retraite.
Le barreau de Centrafrique est sorti à son tour du silence pour dénoncer la mise à la retraite de Danièle Darlan, désormais ex-présidente de la Cour constitutionnelle, et du juge Trinité Bango Sangafio. Tous les deux avaient été démis de leurs fonctions par décret présidentiel du 31 octobre 2022.
Le barreau jugeait la décision prise par le président Touadéra «illégale et anticonstitutionnelle». Me Emile Bizon, bâtonnier de l’Ordre des avocats de Centrafrique, était signataire de ce document. Pour lui, l’éviction de Danièle Darlan et de Trinité Bango Sangafio «procède de la volonté du pouvoir exécutif d’assujettir le pouvoir judiciaire».
«Très clairement, nous pensons que ce relèvement de Mme Darlan et de M. Sangafio relève du fait que le pouvoir exécutif n’était pas du tout content des décisions que la Cour constitutionnelle a rendues au mois de septembre 2022 et qui sont contraires à la volonté du pouvoir exécutif», selon lui.

Le dialogue politique ouvert sans l’opposition

Il était tant attendu par l’ensemble des acteurs sociopolitiques pour mettre un terme au conflit qui ensanglante le pays depuis des années. Le dialogue politique était ouvert lundi 21 mars 2022 à Bangui par le président Faustin Archange Touadéra. Promis de longue date par le chef de l’Etat, malheureusement ce dialogue s’est tenu sans les principaux opposants politiques. Ces derniers, dans une déclaration, dimanche 20 mars 2022, annonçaient leur retrait affirmant que leurs revendications, à savoir l’inclusion des groupes armés et l’inscription à l’ordre du jour de la crise post-électorale, n’avaient pas été satisfaites.
C’est sans les ténors de l’opposition que le dialogue a débuté dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale centrafricaine. Plusieurs centaines de personnes étaient présentes: membres du gouvernement, députés, diplomates en poste à Bangui… Il y avait aussi les anciens présidents Michel Djotodia et Catherine Samba-Panza, l’ancien chef de guerre Abdoulaye Hissène.
Le bitcoin
La note d’analyse du groupe des spécialistes internationaux du bitcoin qui s’était rendu, fin mai 2022 en Centrafrique avait été envoyée au président centrafricain Faustin Archange Touadéra. Pour rendre applicable la loi sur les cryptomonnaies votée fin avril 2022, les experts évoquaient les importants chantiers à mener.
Parmi les éléments favorables, selon ce rapport: le cadre légal, le recours régulier au paiement mobile et la faible bancarisation de la population, de l’ordre de 5%. Pour les spécialistes, ce contexte offre un bon terreau pour utiliser une monnaie virtuelle. Mais là aussi, la Cour constitutionnelle s’était vigoureusement opposée à l’idée de l’usage, par les Centrafricains d’une monnaie virtuelle.
Idée corroborée par la CEMAC. L’utilisation des cryptomonnaies est interdite dans les établissements bancaires et financiers des pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). La décision a été prise par la Commission bancaire d’Afrique centrale (COBAC). C’était lors d’une réunion extraordinaire le 6 mai dernier. Mais le document n’a été rendu public que vendredi 13 mai 2022.
La décision de la COBAC précisait: «Les établissements bancaires et financiers ne peuvent utiliser que le franc CFA et les monnaies classiques émises par des Banques centrales et toutes les opérations réalisées ou rejetées en cryptomonnaies doivent lui être communiquées».

Le salaire minimal du secteur privé revu à la hausse

La bonne nouvelle du nouvel an 2022 pour les travailleurs du secteur privé était le coup de pouce du gouvernement au salaire minimum garanti (SMIG) qui a été revalorisé de 35%. Il passait de 18850 à 29000 FCFA. La dernière fois que le salaire était revalorisé remontait à 30 ans. De même, le salaire minimum agricole (SMAG) est aussi revu à la hausse. Il ne peut plus être inférieur à 1000 FCFA le jour. Mais ces hausses n’ont pas totalement satisfait les syndicats.
La situation des travailleurs centrafricains, en général, et celle des travailleurs du secteur privé devenaient de plus en plus insoutenables. Du fait de la hausse des prix des denrées dans les marchés du pays. Si le coup de pouce est notable, les syndicalistes préfèrent, plutôt, parler des «mesures de rattrapage».

Gaule D’AMBERT