Le président Faustin-Archange Touadéra souhaitait vivement passer par la Cour constitutionnelle pour l’élaboration d’une nouvelle Constitution qui lui permettrait de briguer un troisième mandat. Mais la Cour en a décidé autrement. Elle a rendu son verdict vendredi 23 septembre dernier à Bangui. Les juges suprêmes ont invalidé le décret présidentiel qui avait créé un Comité chargé de rédiger la nouvelle Constitution.

Ce projet très controversé est largement débattu dans le pays. L’opposition accuse le président Faustin-Archange Touadéra de vouloir modifier le texte pour pouvoir se cramponner au fauteuil présidentiel. Cependant, la Cour constitutionnelle a annulé le décret créant un Comité chargé d’écrire une nouvelle Constitution. Pendant plus d’une heure, les juges ont expliqué leur décision qui a eu un impact sur la vie nationale.
D’abord, la Cour estime que pour enclencher un processus de réforme constitutionnelle, il faut qu’il y ait un Sénat. Or le Sénat n’a toujours pas été mis en place en Centrafrique. Ensuite, les juges ont passé en revue la prestation de serment du président Faustin-Archange Touadéra à la fin mars 2021. Ils expliquent que le chef de l’Etat avait juré sur la bible et devant la nation qu’il ne réviserait pas le nombre et la durée de son mandat. Pour la Cour constitutionnelle, il n’est pas possible de revenir sur cet engagement. En conclusion, le décret est illégal et la Cour ne reconnaît pas le Comité chargé de rédiger une nouvelle Constitution.
L’instance suprême a tapé du poing sur la table en annonçant des procédures judiciaires contre certaines personnes qui l’avaient menacée. Elle a entre autres nommé Evariste Ngamana, vice-président de l’Assemblée nationale, porte-parole du parti présidentiel MCU, mais aussi président du Comité de rédaction de la nouvelle Constitution. Un Comité dont la Cour constitutionnelle dit ne pas reconnaître l’existence.
A l’issue du verdict, des centaines de personnes pro-réforme se sont rassemblées devant la Cour avec des pancartes très hostiles, notamment envers la présidente de la Cour, Danièle Darlan. Les forces de l’ordre et les casques bleus de la MINUSCA se sont déployés devant les protestataires qui ont lancé des cailloux, avant de finalement se disperser.
Les anti-réforme se montrent satisfaits, et Martin Ziguélé, porte-parole de la coalition BRDC, estime que la Cour avait «dit le droit en toute dignité», et su résister aux pressions extérieures. En effet, les juges avaient indiqué avoir été victimes de menaces.
Le pouvoir va-t-il abandonner son projet? Sans doute pas. Le même vendredi, après la déclaration de la Cour constitutionnelle, le ministre conseiller spécial du président a reconnu que les autorités auraient dû consulter la Cour en amont. «Nous acceptons cette décision», a réagi Fidèle Gouandjika. En argumentant que le pouvoir n’était «pas inquiet». «La réforme prendra une autre forme et nous ferons en sorte qu’elle soit constitutionnelle», a-t-il fait savoir.
Le Front républicain, une organisation proche des autorités, appelle à une manifestation ce vendredi 29 septembre pour demander au président Touadéra d’organiser un référendum, pour ou contre une nouvelle Constitution. Et comme pour anticiper ces nouvelles actions, le BRDC et l’opposition ont appelé à manifester de nouveau ce contre la réforme, et ce malgré leur victoire judiciaire.

Gaule D’AMBERT