La lutte contre la corruption est-elle devenue au Congo un vain slogan? C’est la question que bon nombre de Congolais se posent au regard du constat sur le terrain. Combattre ce fléau a toujours été si difficile que d’aucuns pensent qu’il faut une révolution des mentalités pour réussir.

En dépit des efforts multiformes engagés, le Congo n’est pas exempt de corruption, de concussion, de fraude et d’autres actes tout autant répréhensibles que néfastes à l’accomplissement du bonheur collectif.
Le Président de la République, parlant de rupture, avait invité en 2016, à la dénonciation et à la cessation avec les antivaleurs qui constituent un véritable frein à la marche vers le développement.
Il est revenu sur ce discours en 2018: «Face aux délits économiques, quels qu’ils soient, il n’y aura ni menus fretins, ni gros poissons. Tout passera dans la nasse du droit et de la justice. Seule prévaudra la loi…».
De son côté, le président de l’Assemblée nationale reconnaissait en 2018 que la corruption avait gagné en ampleur au Congo, avec des effets pervers et néfastes sur les finances publiques.
Le pays était même au cours de cette année au bas de l’échelle en ce qui concerne l’indice de perception de la corruption de Transparency International, qui classait le Congo parmi les pays les plus corrompus du monde (159e sur 177 pays).
Il avait annoncé que son Institution allait décider d’entrer en guerre contre les délinquants économiques. Rien n’a été fait.
Dans la présentation du Programme d’action du Gouvernement faite devant les parlementaires en juin dernier, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso, faisait savoir que la volonté et le courage seuls suffisent à engager les réformes dont la lutte contre la corruption.
Il emboitait le pas au le Président de la République, qui disait dans son discours d’investiture, le 16 avril 2021: «Ce courage, nous l’aurons pour élaborer une politique nationale de lutte contre la corruption et renforcer les moyens dont sont dotés la Haute autorité de lutte contre la corruption, l’Inspection générale des finances et le Contrôle général de l’Etat. Nous l’aurons pour appliquer à l’encontre des détournements de fonds, de l’enrichissement illicite et du favoritisme, une politique de tolérance zéro».
Anatole Collinet Makosso pense que son Gouvernement aura ce courage grâce à la confiance que le Président de la République a placée en lui; «bien aussi grâce au soutien que nous espérons de vous, honorables députés. J’aurai besoin de l’adhésion de tous, y compris de nos amis de l’opposition, tant parlementaire que celle qui s’exprime en dehors des institutions qui rythment notre vie démocratique», déclarait-il.
Le Premier ministre a rappelé que le Président de la République veut d’un Etat protecteur qui restaure son autorité et qui réforme son administration. Parlant de cette administration, il y a bien des maux qui lui sont reprochés. Rien n’est obtenu sans débourser de l’argent. Tout est argent et corruption. «S’il existe un défaut récurrent au sein de notre administration et auquel j’entends mettre un terme, c’est bien celui-ci: on légifère, mais les décrets d’application tardent le plus souvent à venir; et quand ils existent, c’est la volonté de les mettre en œuvre qui est la plupart du temps aux abonnés absents. En résumé: ce ne sont pas les outils qui manquent, c’est le courage de s’en servir», reconnaissait-il.
Le commun des mortels se demande comment le Président de la République entend y mettre un terme. Après s’être habitués à un grand train de vie, grâce à la manne pétrolière, les Congolais vivent maintenant le temps des vaches maigres. La diversification économique peine à se mettre en place et la corruption prend de l’ampleur.
Si le Parlement exerçait pleinement son rôle de contrôle de l’action gouvernementale que lui confère la Constitution, le pays aurait palier tant soi peu à ce fléau qui détruit l’administration congolaise et les structures para-étatiques.
Les enquêtes parlementaires sont rarement menées, tout comme l’interpellation et les questions d’actualité, même sur les sujets brûlants. Les questions orales avec débats au Gouvernement se résument en des simples séances au cours desquelles les parlementaires n’assument pas, avec détermination, sans subjectivisme et sans complaisance leur rôle de contrôleurs de l’action gouvernemental.
A vrai dire tout le mal du pays, vient de l’impunité, a-t-on l’habitude de dire. Les coupables des détournements courent les rues. Si certains sont arrêtés, ils finissent par être libérés le lendemain ou quelques semaines après, sans jugement pour certains.
Lorsqu’on veut appliquer la rigueur, vous vous attirez des foudres de tout bord et des ennemis. «C’est vous qui allez changer ce pays?», a-t-on coutume d’entendre.
Dans les transports, lors des pénuries, les pompistes font de la surenchère. Si le Gouvernement connaît quelques difficultés financières pour obtenir certains documents et pièces administratives, il y a des Congolais, malheureusement, qui prennent le malin plaisir à torpiller leurs compatriotes. Obtenir un passeport aujourd’hui est devenu un véritable casse-tête chinois. Les Congolais de la diaspora et les nouveaux bacheliers en paient les frais.
Faute de carton, nombreux sont encore bloqués à Brazzaville. Ils sont obligés de débourser jusqu’à 200.000 ou 250.000 F.Cfa, auprès de ceux qui détiennent encore des cartons vides, pour obtenir un passeport de toute urgence (deux jours), en dehors des 56.000 F.Cfa des frais normaux qu’ils ont payés à la caisse.
La pièce d’identité qui était à 2500 F.Cfa est passée à 5000 F.Cfa, sans compter les sous- commission pour l’obtenir rapidement. On constate actuellement une rupture dans la livraison de ces pièces. Aucune explication n’est donnée par le Gouvernement, tout comme sur les perturbations récurrentes d’eau et d’électricité.
Dans l’enseignement, y compris supérieur, tout n’est plus qu’argent. Les fascicules sont vendus, les passages, les notes, les unités de valeurs et les diplômes, voire les diplômes d’Etat, sont monnayés. Comment s’étonner du niveau des apprenants même après avoir obtenu des Master II ou du niveau de scolarisation très bas.
Le secteur de la santé n’est pas épargné, sans citer les régies financières, en passant par la justice.
Malgré le renforcement des moyens dont sont dotés la Haute autorité de lutte contre la corruption, l’Inspection générale des finances et le Contrôle général de l’Etat, le Gouvernement peine à appliquer à l’encontre des détourneurs de fonds ou des accusés d’enrichissement illicite et de favoritisme, une politique de tolérance zéro. A quand l’élaboration d’une politique nationale véritable de lutte contre cette corruption qui gangrène le pays à vue d’œil?

KAUD