Les Etats-Unis viennent de célébrer les 20 ans écoulés depuis les attaques des Tours jumelles à New York. L’événement était américain, il était mondial aussi. Congolais! Parce que dans les presque 3000 victimes directes des attentats de 2001, figuraient aussi des Africains dont les noms sont désormais incisés dans le mémorial qui se dresse à la place des deux gratte-ciels écroulés. En outre, cette stupéfiante attaque a marqué un bouleversement des modes de vie qu’on aurait tort de minimiser.
Aussi bien dans la manière de voyager, les mesures de sécurité, l’approche d’une forme de militance religieuse, le monde et l’Afrique ont été entraînés à faire autrement. Les attentats du 11 septembre 2001 furent spectaculaires, planétaires: du jamais vu en direct à la télévision. Il n’est donc pas superflu qu’on y revienne, de quelque coin du monde qu’on se réclame. S’incliner devant l’effroyable nombre des victimes, réfléchir aux causes et aux conséquences: c’est une invite mondiale à laquelle l’Afrique ne peut se soustraire.
C’est pourquoi nous aurions tort de passer, en haussant les épaules, à côté de toutes les situations qui, dans le Continent ou la sous-région, peuvent fabriquer (ou fabriquent déjà) des 11 septembre en miniature. La date est symbolique, mais tous les événements qui conduisent à un éclatement déchirant des modes de vie et des coexistences ancestrales doivent nous interpeller. Chez notre voisine, la République démocratique du Congo, on a pu voir la première attaque d’une église catholique à Butembo.
Conduite par des AFDL (Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération) supposées, elle donne à penser que haines sourdes travaillent nos communautés et qu’elles peuvent s’exprimer en éruptions violentes incompréhensibles. Le Mozambique n’est pas loin non plus; l’occupation d’une bonne partie du territoire de ce pays frère par des mouvements islamistes interroge aussi. Tout semble fait pour que la religion soit amenée au cœur des dissensions ou en devienne la cause. Et il ne passe pas de jour au Mali et au Burkina Faso qu’on ne compte les victimes du djihadisme. La secte musulmane de Boko Haram égratigne de temps en temps la cohésion territoriale du Cameroun, pourtant agité par des dissensions d’un tout autre genre.
Le Cameroun, c’est à côté. Autant dire chez nous. Nous préoccuper de ce qui s’y passe, c’est aussi donner du sens à la communauté formée sur le papier et qui doit se matérialiser dans les faits en Afrique Centrale. Sur des bases religieuses, on peut déchirer un tissu social, mais on peut aussi le coudre. C’est même cela le message premier; car aucune religion n’a jamais prescrit dans son Livre d’inspiration de tuer. Aucune ne recommande de supprimer des vies.
Les 11 septembre commencent toujours par des petits renoncements, des petites violations chez les autres, avant de faire irruption chez soi. Au nom d’une forme dévoyée de la religion, un certain pasteur Ntumi s’est illustré chez nous, brûlant et rasant sa propre région au nom d’un idéal resté inconnu. Voulait-il faire tabula rasa au nom de son Dieu? La question restera posée. Mais elle est surtout une interpellation de ce que nous voulons faire ensemble. En période électorale ou en temps de paix.

Albert S. MIANZOUKOUTA