La mort d’Idriss Déby, Président et maréchal du Tchad, peut être annonciatrice de lendemains de turbulences pour la sous-région. Déjà en équilibre instable par la situation en Centrafrique, avec un Tchad sans la pièce maîtresse qui le (main) tenait dans une frêle unité, l’Afrique centrale n’en a pas fini de scruter l’horizon avec inquiétude. Le Tchad d’Idriss Deby a tenu 30 ans dans un équilibre dont les dominos s’étendent en Libye, au Nigeria, au Nord-Cameroun, en Centrafrique et au Sud-Soudan. Le volontarisme de l’homme, réel ou surfait, est loué au Mali et dans le Sahel. Il était littéralement de tous les coups, quand il s’agissait de bouter des insurgés nationaux ou étrangers hors des frontières.
Sa mort transforme le Tchad en un gigantesque point d’interrogation en Afrique centrale. Car elle ne marque pas une fin de quoique ce soit. Les rebelles du FACT qui ont juré d’abattre son régime ne donnent pas l’impression de vouloir s’arrêter aux portes de Ndjamena. Ou de s’accommoder du nouveau pouvoir qui sera incarné par le général Mahamat Deby Itno, dit Kaka, le fils du père.
Non seulement notre sous-région commence à se bâtir une solide réputation de régimes dynastiques. Mais encore, avec la mise en place au Tchad d’un Conseil militaire de transition de 18 hauts-gradés, nous ne sommes pas près de retrouver la voie d’une observance stricte de la Constitution mise entre parenthèses. Elle ne faisait d’ailleurs pas l’unanimité dans le pays, les opposant la disant avoir été taillée sur mesure pour le Président défunt.
Entre ceux qui proposent une sorte de conférence nationale de la remise à plat de tous les différends, ceux qui souhaitent la mise à l’écart définitive du clan Déby qui a essaimé dans tous les secteurs de la vie administrative, militaire et politique, ceux pour qui cette mort doit représenter une opportunité de réconciliation semblent peu nombreux. De sorte que se combattant et se muselant à souhait, ils contribuent à perpétuer la situation d’un Tchad qui ne tient debout que par les armes.
Depuis les années 1970, les successions de régimes au Tchad se font par des rébellions venant du Nord: Goukouni Weddeye, Hissène Habré et Idriss Deby sont venus à Ndjamena à la tête de légions féroces promettant de faire en plus doux que les prédécesseurs. Des promesses jamais tenues par personne, bien entendu. Le Tchad nous pose aussi, en Afrique Centrale, la question de ce que valent nos constitutions finalement. Ainsi que nos serments.

Albert S. MIANZOUKOUTA