Après quelques tergiversations, nos leaders politiques se retrouvent à Madingou, le chef-lieu de la Bouenza, à mi-chemin entre Brazzaville et Pointe-Noire, pour un autre dialogue politique, après Sibiti et Ewo. Grâce aux réalisations de la politique de la municipalisation accélérée, quasiment tous les chefs-lieux de nos régions peuvent abriter ce genre de rencontres. Comme dit l’adage, on peut ou ne pas aimer le lièvre, il y a lieu de reconnaître qu’il court très vite. Encore un autre dialogue! Nos leaders politiques aiment dialoguer, sauf que des forums de ce genre coûtent cher à l’Etat et qu’en ce moment, on a besoin d’argent pour faire face à la crise sanitaire et surtout, pour acheter le vaccin contre la COVID-19 qui sera bientôt commercialisé.

Rappel des faits

Depuis quelques temps est apparue, sous l’inspiration de quelques hommes politiques, l’urgence d’un autre dialogue politique avec un agenda quelque peu diffus. Cette annonce d’un autre dialogue sonnait peu comme une «distraction politique» ! Au moment même où le discours politique affirmait haut et fort que la paix était chèrement acquise dans le pays! A ce titre, la Commission épiscopale justice et paix estime inopportune la tenue d’un autre dialogue. Les efforts devaient être concentrés au renforcement des acquis et sur l’amélioration des conditions de vie des populations. A vrai dire, l’annonce de la tenue de ce dialogue nous a laissés pantois et dubitatifs.
Nécessité d’un autre dialogue
Qu’à cela ne tienne, le dialogue de Madingou peut impulser une autre dynamique dans la gestion des affaires publiques dans le pays. Les résultats dépendent des objectifs fixés par les organisateurs et que les enjeux essentiels soient bien cernés et débattus sans langue de bois et sans a priori. La décence voudrait que les leaders politiques de toutes les tendances ne se retrouvent pas à Madingou pour subir un diktat malicieusement caché par les animateurs de ce forum. En pleine crise sanitaire et économique, ce serait un gaspillage des énergies et d’argent. La crise actuelle veut que les décideurs concentrent les efforts et les moyens vers les secteurs prioritaires….
Pour qu’il y ait un vrai dialogue, des conditions doivent être réunies. D’abord et avant tout, le sujet ou le problème qui incite des compatriotes ou des gens ayant en commun le même destin d’échanger franchement pour l’intérêt général et commun du pays. Dans le cas du dialogue de Madingou, une certaine ambiguïté plane sur les contours du problème. Ensuite, un vrai dialogue suppose une écoute attentive des souffrances et des frustrations. Enfin, un vrai dialogue aboutit, inéluctablement, à des résolutions ou des prises de décision pour l’avenir.
Nous espérons que toutes ces conditions sont réunies pour un dialogue fructueux et utile pour notre pays.
Que sont devenues les résolutions des dialogues de Sibiti et de Ewo? Comment les a-t-on capitalisées?

Quelques propositions
S’il nous était permis de donner un avis pour un dialogue fructueux, nous conseillerons nos leaders politiques de débattre sérieusement sur les vrais problèmes du pays. Ils sont nombreux. Lorsqu’un pays est en crise, il faut dialoguer, réfléchir ensemble et prendre des décisions courageuses et salutaires. Ainsi, nous souhaitons que nos leaders politiques échangent sur:
• La précarité dans la fourniture du courant électrique et d’eau potable dans nos différentes localités. La Commission épiscopale justice et paix salue l’amélioration de la fourniture de l’électricité dans les régions de la Bouenza, la Lékoumou, le Niari, la Cuvette, les Plateaux, la Sangha, grâce aux barrages de Moukoulou, d’Imboulou et de Liouesso.
A quand l’amélioration de la fourniture de l’eau potable et de l’électricité dans les grandes villes et à Pointe-Noire et à Brazzaville?
• Il y a le redressement du système éducatif: La Commission épiscopale justice et paix souhaite des échanges fructueux sur le redressement du système éducatif et l’amélioration des conditions de santé dans le pays. La Commission épiscopale justice et paix salue l’ouverture de l’Université Sassou-Nguesso, ainsi que l’engagement de nos ministres de la Santé et de l’Education nationale durant cette crise sanitaire de la COVID-19. Les leaders peuvent-ils échanger franchement sur le système éducatif, sur la qualité des hôpitaux, la prise en charge de certaines pathologies…Avec des salles de classe pléthoriques, des enseignants peu nombreux et peu qualifiés, que vont devenir nos jeunes sans un système éducatif qui ouvre à l’emploi ?
• La Commission épiscopale souhaite que les leaders politiques échangent sur le panier de la ménagère. Que faut-il faire pour augmenter la production locale dans le pays, afin d’améliorer le niveau de vie des Congolais? Allons- nous continuer à consommer de la volaille et du poisson importés et de surcroît de qualité parfois douteuse?
• Nous invitons nos leaders politiques à réfléchir sur le problème des ‘’bébés noirs’’ et sur les ‘’kuluna’’: la sécurité est un bien commun. Beaucoup de nos compatriotes ont connu des cas de vols et de braquage. La Commission épiscopale justice et paix souhaite que les leaders politique fassent des propositions concrètes pour sécuriser les paisibles populations.
• La Commission épiscopale justice et paix souhaite une amélioration de la gouvernance électorale. Quelles sont les mesures prises par nos décideurs politiques pour réviser les listes électorales, actualiser le fichier du découpage électoral, former les délégués des candidats et les scrutateurs pour des élections transparentes et apaisées?
La liste est longue. Nous souhaitons que le dialogue de Madingou ne soit pas un forum inutile, mais le lieu d’un dialogue fructueux. Les défis à relever sont énormes et nous ne sommes pas devant une fatalité et les solutions existent pour un mieux-être social.

Abbé Félicien
MAVOUNGOU
Commission Episcopale Justice et Paix