«Nous le savons: le Christ est vraiment ressuscité des morts. Roi victorieux, prends-nous tous en pitié! Amen».
La séquence que nous proclamons ensemble pendant la messe du jour de Pâques, s’achève dans cette strophe. C’est une invocation chorale d’exultation et de victoire, se tournant dans une imploration collective, riche d’humble confiance. L’Eglise chante: «Nous le savons», «Vraiment»! La résurrection du Christ est certitude. Plus encore: elle est «la» certitude, qui soutienne tout espoir, toute sagesse, toute réalité. Et en implorant le «Roi victorieux» de nous prendre en pitié, nous reconnaissons que la victoire du Christ sur la mort, sa résurrection glorieuse, enveloppe notre existence, renouvelle l’histoire, voire la transforme totalement de son intérieur, la «révolutionne».
En ce jour de Pâques, qui est le centre de l’histoire et de l’année liturgique, nos communautés réunies dans la liturgie lèvent au Christ leur cri de foi et d’espoir, qui surgit de la profondeur de notre humanité éprouvée sous le poids de ses fardeaux; déchirée par les injustices, les pauvretés, les illusions, les maladies.
Donc, l’histoire et l’humanité sont entrées dans la nouvelle création, renouvelée dans la résurrection du Christ; et pourtant, la vie quotidienne nous montre toujours toutes ses afflictions habituelles, toutes ses contradictions déchirantes. Quel contraste!
Devant cette sensation d’absurdité, dans nos communautés nous pourrions répondre par deux réactions apparemment opposées. D’un côté, la séparation entre la foi et l’histoire, entre la liturgie et la vie: «se réfugier» dans la louange et dans la prière, se plonger dans un monde spirituel et quitter pour quelques instants la dure réalité, comme si la résurrection du Christ était confinée dans le domaine des sentiments religieux, dans une oasis mystique qui nous permettrait de sortir un peu du désert quotidien. De l’autre côté, la désillusion, le désenchantement: la résignation à l’immanence d’un monde, où l’humanité est abandonnée à soi-même, soit qu’elle accepte de combattre par ses forces pour un monde plus juste, soit qu’elle succombe au fatalisme et à l’esclavage.
Ces deux réactions – le spiritualisme et le matérialisme – ne sont pas vraiment opposées, elles ont en commun l’incapacité de reconnaître la vérité de la résurrection et la réalité de la chair du Christ, suspendue sur la croix, déposée dans un sépulcre, ressuscitée dans la gloire. L’idéalité où la négation de la résurrection entraîne dans le monde du rêve la vérité de l’homme aussi. Mais «si le Christ n’est pas ressuscité, votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise de vos péchés» (1 Cor 15,17).
Et alors, quand nous proclamons que «le Christ est vraiment ressuscité des morts», nous reconnaissons qu’il est Vivant, et que nous vivons en Lui, que notre histoire n’est pas destinée au manque de sens et d’espoir, mais qu’elle est habitée par sa présence et qu’elle est conduite vers sa gloire.
Mais comment concilier alors la réalité de la victoire du Christ sur le péché et sur la mort, avec la persistance du mal, de la souffrance, de la fatigue dans notre vie quotidienne? Comment concilier notre foi avec notre vie, nos louanges avec nos œuvres?
Par sa résurrection, le Christ est le vainqueur du monde, pas son destructeur. Le monde n’est pas effacé, mais il est vaincu par l’amour. Et nous, ressuscités dans le Christ, nous sommes appelés à aimer, avec Lui et comme Lui. Et l’amour n’est pas une simple fuite dans le spiritualisme; ce n’est pas un engagement sans la foi et sans la grâce non plus. L’amour nous appelle plutôt à nous faire charger de notre réalité quotidienne de son intérieur, par notre cœur habité et transformé par la présence du Christ ressuscité.
Les souffrances et les faiblesses du monde et de l’histoire ne contredisent point la vérité de la résurrection, mais elles sont le milieu où nous vivons en tant que ressuscités et que nous sommes appelés à transformer et pénétrer par le témoignage de la charité, dans la fatigue et dans la joie, dans le travail et dans la fête, dans la santé et dans la maladie, dans nos soucis et dans nos espoirs. C’est en donnant nous-mêmes dans la fidélité de notre service quotidien à Dieu et au prochain, que nous, les ressuscités, nous recherchons les réalités d’en haut et vivons dans l’espoir de paraître avec le Christ dans la gloire.

P. Francesco BRANCACCIO
(Catanzaro, Italie)