Découvert à son domicile en état de décomposition avancée, à en croire des artistes présents sur les lieux, l’artiste-musicien, auteur-compositeur, interprète, Jacques Koyo dit ‘’Chairman’’, dont les circonstances du décès restent à éclaircir a été aussitôt inhumé le 21 septembre 2021, au cimetière du Centre-ville de Brazzaville. En présence du ministre de la Culture et des arts, Dieudonné Moyongo, des membres de l’Union des musiciens congolais (UMC), conduits par leur président Godefroy Bonguili dit ‘’Pape God’’, et de membres de sa famille… Les mélomanes le savaient malade, pour avoir parfois appelé à une assistance pour l’aider à surmonter l’épreuve à laquelle il ne pouvait plus faire face, faute de moyens. Il s’est donc éteint dans la détresse.

Qui était Jacques Koyo ?

Artiste-musicien, il s’est imposé dans la musique congolaise au milieu des années 80, aux côtés des Fernand Mabala, Rapha Boundzeki, Angelou Chevauché, et autres Rovias Adampoth que ‘’Chairman’’ qu’il a mis d’ailleurs en lumière…
Jacques Koyo, est né le 11 janvier 1950 à Makoua, dans le Département de la Cuvette. Après ses études primaires et secondaires commencées à l’intérieur du pays et achevées à Brazzaville, il est employé dans l’armée congolaise, en qualité d’artilleur. Puis, il se retrouve à Dolisie, au milieu des années 80, comme auxiliaire de justice. Concomitamment à ses activités professionnelles, il fait du karaté et devient peu de temps après Maître de karaté, ceinture noire. Lorsqu’il fait ses premiers pas dans la musique, il est déjà une attraction. Ce sont les pas d’Engondza qui le porteront au firmament de sa gloire. En 1988, il compose sa première chanson, ‘’Marja’’, réédité en fin 1989 à Kinshasa avec le Choc Stars dans ‘’Marja 2’’.
Son plus grand succès musical intervient en 1990 avec la chanson ‘’Mégé Alembi’’, dédiée à sa femme. En 1991-1992, il lance ‘’Ctb’’. Sans oublier ‘’Pe Bwanga’’, ‘’Djara Engondza’’, ‘’Place à la danse’’. Des tubes qui ont marqué sa carrière musicale. Impeccable avec ses pas d’Engondza, il va en moderniser le rythme en y incluant d’autres subtilités, il y incorpore des katas (mouvements saccadés de karaté). Engondza dont il tire l’inspiration de Vocal Bantou fit des émules à Kinshasa où Koffi Olomidé et son Quartier Latin, ainsi que le Choc Star et bien d’autres orchestres l’adoptèrent.
S’affublant d’autres sobriquets tels que, ‘’Le buldozer’’, ‘’Paka-Paka’’…, il connaît une belle carrière musicale avec plusieurs distinctions nationales et étrangères : révélation de l’année 1989, meilleure vedette du Congo à plusieurs reprises, au point où il s’autoproclamera ‘’Génie du siècle’’ de la musique congolaise ; meilleur auteur-compositeur, et détenteur d’un prix à Kinshasa. Il devient l’artiste vedette de la brasserie du Congo avec la marque Ngok, alors que Rapha Boundzeki, son concurrent de taille, était utilisé par la marque Primus.
Travailleur pointilleux, perfectionniste et homme de défis, puisant dans le terroir culturel national, notamment mbochi de la Cuvette, Jacques Koyo réalise des featuring dans les années 2000 avec ‘’Roga-Roga’’ dans ‘’Congolais Tika’’ et ‘’Fongola miso mokonzi bazo kosayo’’. Selon lui, lorsqu’il chante ce titre avec Roga-Roga, «toutes les portes lui sont fermées, et avec la maladie, il se sent abandonné à lui-même». Et, il déclare «qu’il avait cessé de chanter parce qu’il n’avait plus en face de lui des concurrents depuis la mort de Boundzeki. Il ne voyait pas qui pouvait le faire travailler comme le faisait Boundzeki». Faute de management et de moyens financiers, sa célébrité n’a pu connaître un succès international plus étendu.
S’étant imposé dans le milieu culturel du pays, Jacques Koyo était avant tout un sportif au franc-parler avéré. C’est à travers le sport, notamment le karaté dont il assuma la présidence de la Fédération congolaise qu’il tira le titre de ‘’Chairman’’, et récolta les lauriers qui le mirent en exergue. En 1984 à Dakar, au Sénégal, il conduisit la délégation congolaise au championnat d’Afrique de Karaté, qui ramena dans sa gibecière quatre médailles : deux en or; une en argent et une en bronze.
Le ministre Moyongo a déploré la disparition du grand artiste talentueux qu’a été Jacques Koyo. «Mardi 21 septembre, a-t-il dit, c’est autour de 10H qu’il a été informé de sa mort, et il s’est rendu à son domicile pour s’enquérir des circonstances de sa mort, mais aussi compatir au deuil avec la famille… ».
Ils ont dit :
«C’est un baobab, une bible de notre musique qui vient de partir», a dit ‘’Pape God’’.
‘’Roga-Roga’’ qui a travaillé avec lui, s’est dit peiné d’apprendre sa mort. «Chairman a su lier la musique traditionnelle à la musique moderne».
Johson Philosophe, artiste-musicien, a reconnu son apport dans la musique congolaise : «Grâce à lui la danse Engondza a été internationalisée, tout en saluant son dynamisme dans l’UMC. Malgré son état de santé précaire, il prenait toujours part aux réunions de leur organisation et donnait son avis pour sa bonne marche ».

Alain-Patrick MASSAMBA