A Brazzaville, il n’est pas rare de voir des enfants mendiant de l’argent sur une avenue passante, ou dormant sur des étals de marché le soir. Communément appelés enfants de la rue, ils étaient environ 800 dans la capitale en 2019, selon un recensement réalisé par l’association Repeir. Livrés à eux-mêmes, ces enfants semblent faire partie d’une autre planète, ne jouissant plus d’aucun des reconnus par la Constitution congolaise.

Le pourcentage des enfants de la rue ne cesse de grimper. La croissance du taux de pauvreté des familles, due notamment à l’inflation des produits alimentaires, pousse certains parents à se séparer de leurs enfants, à les abandonner à la rue. Aussi étonnant que cela puisse paraitre, des églises, des lieux de prière, sont aussi responsables de ce fléau. La popularisation du terme «enfants sorciers», accusés des malheurs qui arrivent dans leurs foyers, incite des adultes à jeter des enfants hors du cocon familial ou hors des lieux de prière.
Entre mendicité, petits boulots ou vol, ces enfants désormais seuls face au monde, doivent se débrouiller pour se nourrir et subvenir à leurs autres besoins. Parmi eux, une étude réalisée en 2009 a répertorié 95% de garçons et 49,1% de filles. Souvent déscolarisés, ils représentent une bombe à retardement pour le pays, par leur manque d’éducation. Certaines ONG essayent d’apporter leur pierre à l’édifice, pour leur réinsertion sociale, à l’instar du Samusocial à Pointe-Noire, qui apporte une aide sanitaire, psychologique et éducative aux enfants de la rue depuis 2006 dans la ville océane. L’association affirme avoir hébergé 131 enfants en 2020. Mais l’on se demande souvent où se trouve l’Etat quant à l’avenir de ces enfants. Selon les articles 23 et 34 de la Constitution du 25 octobre 2015, «le droit à l’éducation est garanti. L’égal accès à l’enseignement et à la formation professionnelle est garanti»; «L’Etat doit protéger les enfants et les adolescents contre l’exploitation «économique ou sociale». Ces enfants eux ne bénéficient plus d’une formation scolaire, encore moins professionnelle. Les frais d’inscription dans les écoles publiques, qui s’élèvent à plus de 7000 francs CFA pour le primaire, ne facilitent pas la scolarisation de ces enfants. Il fut pourtant un temps où l’école prenait des allures de gratuité au Congo.
Le Congo fait face à une montée de la délinquance juvénile, marquée par plusieurs braquages, agressions à mains armées faisant de nombreuses victimes et d’une guerre des gangs dans les rues depuis quelques années. De bouche à oreilles, l’opinion publique affirme que plusieurs enfants de la rue devenus adultes continuent de faire partie de ces délinquants. Néanmoins, ces enfants sont eux-mêmes victimes d’agressions et d’abus de tous genres. Les filles tombent souvent enceintes avant leur majorité, ou contractent des MST (maladies sexuellement transmissibles).
Dans certains pays africains comme le Rwanda, il existe plusieurs centres de réinsertion des enfants de la rue, où des familles nucléaires sont constituées, permettant aux enfants de grandir dans un environnement favorisant leur épanouissement. Des allocations familiales et l’assurance maternité aident aussi les parents à mieux prendre soin de leurs enfants.
Dans un pays où les jeunes de moins de 20 ans représentent 55% de la population totale, où certains enfants sont livrés à eux-mêmes dès le plus jeune âge, le combat demeure long pour parvenir à une équité des droits et des chances, ainsi qu’à la résorption des problèmes de sécurité sociale les plus récurrents.

Sandra BAKOUIKA
(Stagiaire)