‘’Le conflit dans l’Est de la RD Congo risque de se transformer en guerre régionale’’, a alerté samedi 31 janvier, Evariste Ndayishimiye, Président du Burundi, le M23 et les troupes rwandaises continuant leur progression après avoir pris le contrôle de la grande ville de Goma. Ces dernières semaines, l’avancée fulgurante du groupe armé antigouvernemental et des Forces armées de Kigali, face à des troupes congolaises dépassées, a suscité la crainte d’une propagation du conflit. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a dit jeudi 29 janvier son inquiétude d’un embrasement régional.

«Si l’Est du Congo n’a pas la paix, la région n’a pas la paix. Ce n’est pas le Burundi seulement, la Tanzanie, l’Ouganda ou le Kenya, c’est toute la région, c’est une menace. Mon pays ne va pas se laisser faire», a-t-il souligné.
Dans le cadre d’un accord de coopération militaire avec Kinshasa, au moins 10.000 soldats burundais ont été déployés depuis octobre 2023 dans l’Est de la RD Congo. Déjà présente dans la région, l’armée ougandaise a de son côté annoncé vendredi 30 janvier qu’elle allait renforcer ses défenses. Après avoir conquis la capitale de la province du Nord-Kivu où ils sont entrés il y a près d’une semaine, les combattants du M23 («Mouvement du 23 mars») et les forces rwandaises progressent désormais dans la province voisine du Sud-Kivu. Le 31 janvier, des affrontements ont été signalés dans des villages proches de la cité minière de Nyabibwe, à une centaine de km de Bukavu et environ 70 km de l’aéroport le plus proche. Sur le marché de Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu où vivent un million d’habitants, certains commerçants et clients faisaient part de leurs craintes.
Selon des sources bien informées, «le M23 a dit qu’après avoir occupé Goma, ils vont aller au Sud-Kivu’’, et les populations ont peur car elles ne savent ni le jour ni l’heure. Elles achètent des stocks de provisions qu’elles conservent à la maison». Kinshasa accuse Kigali de vouloir piller ses nombreuses richesses naturelles dans la région. Le Rwanda nie et affirme vouloir éradiquer des groupes armés, notamment créés par d’ex-responsables hutu du génocide des Tutsi au Rwanda en 1994, qui menacent sa sécurité.A Goma, les combats ont cessé, mais la ville souffre désormais de pénuries de carburant et de liquidités.
Jean Kaseya, le chef de l’Africa CDC a mis en garde contre le risque d’épidémies. «Si aucune mesure décisive n’est prise, ce ne seront pas seulement les balles qui feront des victimes, mais la propagation incontrôlée d’épidémies majeures et de pandémies potentielles qui viendront de cette région fragile», a-t-il alerté.
D’après le Bureau des Affaires humanitaires de l’ONU (OCHA), ‘’des milliers d’habitants qui avaient fui leurs villages face à l’avancée du M23 ont commencé à quitter les camps de déplacés installés dans la périphérie de Goma. Certains sites au nord de la ville sont déjà vides.
Le M23 et les troupes rwandaises ont pris le dessus en quelques semaines sur l’armée congolaise. Les autorités congolaises recrutent depuis vendredi 30 janvier des volontaires sans formation pour intégrer des milices pro Kinsahsa. ‘’Au moins 700 personnes ont été tuées et 2.800 blessées lors des combats pour le contrôle de Goma, la semaine dernière’’, a déclaré un porte-parole de l’ONU.
L’offensive sur Goma a suscité plusieurs appels internationaux à la fin des combats et au retrait des troupes rwandaises. Les initiatives diplomatiques pour régler le conflit qui dure depuis plus de trois ans n’ont pas abouti. Pendant le sommet extraordinaire de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) à Harare vendredi dernier, les pays membres ont affirmé leur «engagement indéfectible à continuer de soutenir la RD Congo dans sa quête de sauvegarde de son indépendance, de sa souveraineté et de son intégrité territoriale».

Alain-Patrick MASSAMBA