Aujourd’hui, tout va malheureusement de travers pour le football congolais en train de vivre une véritable descente aux enfers. L’occasion de se poser la question : comment en est-on arrivé là ?
Le titre continental de l’AC Léopards en 2012 et la qualification des Diables-Rouges pour la phase finale de la CAN 2015 en Guinée Equatoriale où ils ont atteint les quarts de finale sous la férule de Claude Le Roy n’ont été, il faut l’avouer, que «l’arbre qui cache la forêt», pour paraphraser un confrère. Et quelle forêt ! L’AC Léopards avait trouvé son salut grâce à un championnat qui a fait éclore quelques talents, mais surtout à un dirigeant, Rémy Ayayos, qui vivait sa passion pour le ballon rond jusqu’au bout. Il avait le bras long ou la poche bien remplie. Il s’était investi totalement et, sous sa direction, l’AC Léopards était devenu un club respecté. Ses joueurs n’avaient presque pas de soucis pécuniaires ; ils se sont donc donné à fond.
Aujourd’hui, les clubs congolais manquent cruellement de ce genre de dirigeants, comme c’est le cas dans d’autres pays du continent.
L’équipe nationale de Claude Le Roy a bénéficié de l’expérience continentale acquise par quatre, voire cinq joueurs d’AC Léopards, tous titulaires, mais surtout de joueurs professionnels au talent exceptionnel ayant été formés ou ayant poursuivi leur formation dans des centres et autres écoles de football de France, à l’image de Thievy Bifouma (un garçon au talent fou), Prince Oniangué, Bouka-Moutou, Francis Nganga, Delvin Ndinga, Fodé Doré, etc. Des joueurs qui, sans être de grosses vedettes mais ayant acquis une stature internationale, étaient capables de décider du sort d’un match par un exploit personnel. L’aura du coach Le Roy et l’implication du ministre des Sports de l’époque aidant, ils ont tutoyé quelques meilleures sélections du continent, le Nigeria par exemple.
Aujourd’hui, l’avenir ne s’annonce guère radieux au regard de la terrible baisse du niveau du championnat et des mauvaises prestations des clubs locaux, lesquels ne produisent plus de joueurs aptes à répondre aux exigences du haut niveau. Tout simplement parce que, entre autres raisons, les clubs ne leur offrent pas les moyens de leur ambition. Il n’est pas surprenant que les rares talents aillent de plus en plus chercher fortune ailleurs. Mais, même là, la réussite n’est pas au bout.
Et l’équipe nationale? Ne pouvant compter éternellement sur les joueurs professionnels, elle vit une cruelle traversée du désert. Aucun professionnel n’émerge actuellement. Cet effrayant constat se vérifie aisément sur les terrains européens.
Autre constat, autre inquiétude : ce sont les responsables, à tous les niveaux ou presque, qui s’affichent, parlent de technique et de de tactique, font à leur guise le choix des joueurs et des entraîneurs. C’est parfois la rue qui décide de débarquer tel technicien ou de recruter tel autre. Des pratiques qui n’obéissent à aucune logique sportive ont fait ainsi leur apparition depuis des années et continuent à se renforcer dans l’indifférence générale et le mépris total de la conscience et de l’éthique.
De l’avis des analystes -ils ne sont pas nombreux, hélas ! – les responsables des instances nationales et les dirigeants des clubs n’opèrent pas une remise en cause générale et une profonde introspection. Tous ne s’intéressent qu’aux résultats du jour au lieu de débattre des divers sujets dont pourrait dépendre l’avenir du football national : redéfinition du modèle du football national, organisation des compétitions et des clubs, mission des dirigeants, statut des joueurs, des techniciens et des arbitres, qualité des terrains d’entraînement, formation des jeunes, soutien de l’Etat, sponsoring, etc. C’est sur ces terrains qu’on les attend…
L’ignorance des responsables et les incohérences des clubs ont fini par provoquer le dégoût des vrais amoureux du football. Une chose est sûre, le football congolais va mal et ce, du bas au sommet de la pyramide. Il est plus qu’urgent de réconcilier les Congolais avec leur ballon rond. Mais à condition que celui-ci se professionnalise et adhère, enfin, aux véritables valeurs universelles du sport.

Jean ZENGABIO