Après son intronisation, suite à sa victoire écrasante avec 94,85% des voix, à la présidentielle du 12 avril 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema signe une nouvelle étape politique en convertissant sa plateforme électorale, le Rassemblement des bâtisseurs (RDB), en parti politique. Cette initiative intervient sur fond de réforme ambitieuse visant à réduire drastiquement le nombre de formations politiques au Gabon, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale de transition le 17 juin dernier et actuellement examinée par le Sénat.
Fondée le 12 mars 2025 pour soutenir la candidature d’Oligui Nguema, la plateforme RDB revendiquait 22 000 membres et fédérait plus de 84 partis, ainsi que 4 200 associations. Son passage au statut de parti a été officialisé peu après l’élection, l’assemblée générale initialement prévue le 19 avril ayant été reportée afin d’élargir la consultation provinciale. Cette transformation vise à s’octroyer une majorité parlementaire solide, alors que des législatives sont anticipées pour août 2025 sous l’égide d’une loi limitant la prolifération des partis.
La loi sur les partis, inspirée du Dialogue national inclusif (DNI), impose des exigences inédites: justification d’un minimum de 12 000 adhérents dotés d’un numéro d’identification personnel, transparence financière renforcée et respect des principes constitutionnels. Les autorités de transition ont estimé ces dispositions nécessaires pour éviter les «effets pervers» d’une offre politique saturée et désordonnée.
La réforme suscite des critiques, notamment au sein de l’opposition, accusant l’Assemblée de transition de restreindre les libertés démocratiques sous couvert de modernisation. Le Sénat, saisi de la loi en seconde lecture, est appelé à réexaminer le texte pour assurer un équilibre entre réforme et respect des droits politiques fondamentaux. Certains observateurs, dont le député Jean Valentin Léyama, plaident pour une révision froide et mesurée afin d’éviter des accusations de bridage des libertés publiques.
Jean‑Rémy Yama, ancien syndicaliste devenu figure de l’opposition, voit dans cette dynamique l’amorce d’une restauration déguisée du défunt Parti démocratique gabonais (PDG), au pouvoir sous le clan Bongo pendant plus d’un demi-siècle. Selon lui, la transformation du RDB en parti institutionnel, à vocation dominante, «n’est qu’un nom nouveau pour la même logique de puissance», pointant la convergence idéologique entre certains cadres du nouveau parti et les anciens apparatchiks du PDG.
Il dénonce par ailleurs la réforme partisane comme un moyen de verrouiller le champ politique, excluant de facto les nouveaux acteurs dépourvus de ressources suffisantes pour atteindre les seuils d’adhésion imposés.
Le lancement du RDB comme parti politique intervient à un moment-clef: un système partisan resserré, des élections législatives à l’horizon et un exécutif transitionnel en quête de légitimité institutionnelle. Pour Oligui Nguema, l’enjeu est de consolider une majorité parlementaire cohérente, tout en répondant aux exigences de la réforme. Mais la pression est forte pour assurer l’équilibre démocratique et éviter toute accusation d’autoritarisme déguisé. Le Sénat détient désormais les clés. L’issue politique de cette étape déterminera non seulement la configuration du futur Parlement, mais aussi, le degré de pluralisme que la «Deuxième République» de Brice Clotaire Oligui Nguema sera prête à incarner.
Gaule D’AMBERT