Il y a plus de deux semaines, la capitale a été émue par le sort de Chloé Bafouidisoni, une jeune mère partie pour accoucher à l’hôpital de Makélékélé de Brazzaville, mais qui a fini sa vie au milieu des malades atteints de coronavirus à la clinique municipale Albert Leyono, à Ouenzé. La famille, écartelée entre le côté maternel et le côté paternel, se rejoint sur un fait: il ne faut pas enterrer ce scandale et faire la lumière sur tous les aspects de ce qui ressemble fort à erreur médicale de plus. Blaise Bikindou est passé à la rédaction de La Semaine Africaine pour éclairer l’opinion.

*Monsieur Bikindou qui êtes-vous, et à quel titre intervenez-vous dans cette affaire ?
** Dans la tradition, on dirait que je suis père de Bafouidissoni Chloé. En ce sens qu’elle est la fille de mon frère aîné décédé, Ferdinand Bafouidissoni. J’assume donc le rôle de père pour Chloé, décédée le 29 juin dernier à la clinique Leyono.

* Alors, Chloé, COVID-19 ou pas ?
** Ce n’était pas un cas de coronavirus. La preuve est que la clinique nous a remis corps contrairement aux us en matière de mort par virus, et que nous l’avons enterrée au cimetière Ma Campagne de Kinsoundi et non dans un carré réservé quelque part dans la ville.

*Alors, qu’est ce qui a conduit à cette affaire folle jusqu’à parler de mort par Coronavirus ?
**Notre fille avait 39 ans ; elle était enceinte et son heure était arrivée. Sa mère, notre belle-sœur, l’a conduite à l’hôpital de Makélékélé. Il semble qu’à la maternité de là-bas ont ait jugé prudent de l’acheminer vers l’hôpital Mère Enfant Blanche Gomez pour, en principe, une césarienne. Mais son état s’est aggravé, et on a jugé là-bas qu’elle devait être atteinte de Covid-19 vu qu’elle gémissait. Sans autre investigation d’aucune sorte, elle est aussitôt conduite à la clinique spécialisée Albert Leyono qui accueille les malades du coronavirus. Elle serait, se dit-on à Blanche Gomez, la mieux outillée pour sauver la mère et son bébé dans le ventre. Y-a-t-il eu atermoiements là-bas, l’équipe de nuit a-t-elle voulu attendre la fin de la nuit ? Je n’en sais rien. D’ailleurs, pendant toutes ces péripéties à Makélékélé, Blanche Gomez et Leyono nous, la famille paternelle, nous ne savions rien ! C’est par l’alerte d’un homme d’Eglise que j’ai été avisé de la catastrophe qui venait de se produire. J’ai couru sur place, mais on m’a interdit l’accès à la clinique sous prétexte qu’elle était zone rouge interdites aux personnes non atteintes de coronavirus.

*Comment tout cela s’est-il débloqué ?
**Des membres de la famille ont couru voir le général Jean-François Ndengué, qui est un ami de feu l’Abbé Jacques Nganga Nitoumossi, frère de Chloé. C’est lui qui a permis de remettre de l’ordre dans cette pagaille. En plus du bruit que nous avons fait à la télé, la radio et par WhatsApp. Un agent de la police judiciaire est arrivé. Mais quand nous sommes arrivés à la veillée, j’ai failli être lynché, parce que ma belle-famille avait fait courir le bruit que j’avais répandu la rumeur du coronavirus pour toucher de l’argent. J’ai été tellement blessé que j’ai quitté la veillée et que je n’ai pas assisté à l’enterrement de Chloé. Par la suite, on m’a envoyé des émissaires pour les excuses, et des hommes d’Eglise nous ont réunis pour une conciliation. La méfiance persiste et se heurte à un esprit de refus de l’autre côté. J’ai vraiment été outré qu’on m’accuse d’avoir touché de l’argent dans une affaire où je n’ai été avisé que quand tout a été consommé ! La police judiciaire mène les investigations et a promis de nous appeler pour entendre le fin mot de cette triste affaire.

*Quel est l’objet de votre plainte ? Vous comptez obtenir quelle justice ?
**J’ai porté plainte contre X ; je veux comprendre. J’ai porté plainte pour qu’il y ait de la transparence et que les accusations fondées sur des vérités qui n’en sont pas cessent. Notre fille avait 39 ans ; elle n’était pas malade. Elle est partie à l’hôpital pour accoucher, c’est tout ce que nous savons. Pourquoi est-elle morte, c’est ce que je veux savoir maintenant. C’est ça l’objet de ma plainte. J’ai porté plainte pour savoir qui, en définitive, a tué notre enfant.

*Quelle est votre hypothèse ?
**Aucune ! Je cherche à savoir. Notre fille est partie à l’hôpital pour accoucher, elle nous revient sous la forme de deux cadavres en comptant le bébé dans son ventre. Ce n’est pas normal ; quelqu’un doit en répondre ! Nous, dans notre grande famille, on n’y enterre pas des enfants jeunes. On meurt toujours vieux. Pensez que l’année prochaine, ma mère aura 100 ans ! Il faut faire la lumière sur tout ceci, ne serait-ce que pour couper court à toutes les spéculations.
* Quels rapports y a-t-il aujourd’hui entre les deux familles ?
**Je n’étais pas à l’enterrement. Une tentative de médiation a été menée par notre vicaire général, mais elle n’a pas encore donné de bons résultats, l’autre partie persistant dans son attitude de rejet et de refus de toute conciliation. J’ai porté plainte ; la police judiciaire mène ses investigations.

Propos recueillis par Albert S. MIANZOUKOUTA