Dans une interview accordée à La Semaine Africaine, le président du CAP, parti situé à l’opposition, Jean Itadi, parle de la disparition des deux membres influents de sa formation politique notamment Christophe Moukouéké et Dominique Nimi Madingou ; de la stratégie à mettre en place pour la réorganisation de la direction du parti, de la main tendue du premier secrétaire de l’UPADS, Pascal Tsaty Mabiala, aux anciens cadres du parti ; de la participation ou non du CAP aux élections législatives et locales qui pointent à l’horizon. Jean Itadi reste tout de même optimiste quant à l’avenir de sa formation politique.

*Monsieur le président du CAP, vous venez de perdre deux membres influents du parti, comment viviez-vous ces moments?
** C’est un moment difficile, ça c’est évident. Ce n’est pas seulement deux co-fondateurs du CAP, vous savez que nous étions tous vice-présidents de l’UPADS, que nous sommes sortis à cause des désaccords sur la ligne du parti et nous avons décidé de donner à nos camarades, à ceux qui nous suivent, peut-être aussi à notre pays, une nouvelle direction en créant le CAP. Le CAP c’est une nouvelle direction nous ne renoncions pas à la vision panafricaine qui est au sein de l’UPADS, mais nous pensions que le rêve de Pascal Lissouba, son ambition ne pouvait correspondre à la façon avec laquelle on gérait à cette époque l’UPADS. Nous nous sommes dit : les désaccords étant nombreux, nous ne nous voyons pas dans la même direction; nous nous donnons la mission de créer un nouvel instrument. Pour les camarades qui partent, c’est une grande perte. Ce sont non seulement deux vice-présidents du parti et non des dirigeants ordinaires, mais ils partent en une seule période seulement pratiquement, le destin est parfois cruel. C’est une période très difficile. Je ne peux être que triste, parce qu’il est évident que j’étais bien plus content quand j’avais les camarades autour, maintenant que je perds quelques-uns parmi les plus importants, c’est comme si vous dirigiez une troupe et que les principaux officiers tombent, il n’y a pas de gaité, ce n’est pas possible.

*Peut-on parler d’un rêve qui vient d’être brisé pour le CAP, que va-t-il se passer?
*Non ! Pas du tout un rêve brisé, ce que nous avons appris de notre éducation professionnelle, dans nos villages, c’est que c’est dans la diversité qu’il faut s’affirmer. Si nous devions baisser les bras maintenant, nos meilleurs partent, nous ne serions pas à la hauteur de la tâche qui est partant, la nôtre. S’ils nous ont choisis pour diriger ce parti, c’est pour faire aboutir les rêves qui sont les nôtres, mais pas pour que je m’arrête parce qu’ils sont partis. C’est l’occasion plus que jamais de mobiliser celles et ceux qui auraient pu douter pour dire : ils sont partis mais nous devons tout faire pour gagner pour eux pour qu’ils disent : nous avons construit un instrument, nous sommes partis, le travail se poursuit, on a fini par gagner. Parce que très peu de partis gagnent avec leur créateur. Pascal Lissouba est l’un des rares, dans les partis démocratiques c’est rare. Généralement, les créateurs partent et ce sont les générations futures qui viennent et qui gouvernent. Mais si dans cette marche, les successeurs, les uns avec les autres, abandonnent le combat parce qu’il y a un premier obstacle ou une difficulté aussi grande soit-elle, c’est la catastrophe. Non, nous nous devons à nous-mêmes et nous devons à nos camarades de continuer le combat et nous allons le continuer.

*Avec qui comptez-vous continuer ce combat, est ce que ça sera avec le même dynamisme qu’avant ?
**En fait, c’est un peu curieux : il y a quelques temps, nous avons décidé de rajeunir la direction du parti, de faire entrer des intelligences nouvelles, dirigeants généralement jeunes, pleins de talent, et qui avaient pour le pays un amour certain. Ces jeunes gens étaient déjà avec nous, il y a d’autres qui arrivent, ils veulent faire de sorte que l’instrument soit dans les bonnes mains. Il y a des gens qui viennent, ils savent que leur place est au CAP, que la disparition des deux vice-présidents n’amène pas le président du CAP à lâcher. Il y en a qui adhèrent, qui veulent jouer leur rôle. Nous allons transformer ce malheur en force et nous serons plus forts.

*Le premier secrétaire de l’UPADS, Pascal Tsaty Mabiala, a tendu la main aux anciens cadres du parti pour leur retour à la maison UPADS, comment appréciez-vous cela ?
**La chance que certains ont, c’est qu’ils n’ont pas été les compagnons de Lissouba ; ils ne le connaissent pas. Beaucoup d’entre eux croient que Pascal Lissouba et son combat politique ont commencé avec l’UPADS, même si beaucoup d’entre nous n’ont rejoint Lissouba qu’à l’occasion de la victoire en 1992. Posez-lui la question si nous devons revenir à cela ? Parce que, un peu comme par gentillesse, le premier secrétaire de l’UPADS nous a tendu la main. En politique on ne fait pas comme cela. Si c’est sérieux, s’il veut qu’on se retrouve, il faut poser les bonnes questions: nous allons nous retrouver pourquoi? Est-ce qu’on se retrouve parce que nous avons été à des étapes différentes ; est-ce que parce que Pascal Lissouba est parti? Le Congo connait des évolutions, on a défini une ligne politique qui nous permet de nous retrouver mais on ne se retrouve pas comme cela.
Un parti politique, ce n’est pas un ‘’matanga’’. Un parti politique ce sont les hommes et les femmes qui se retrouvent pour un combat, mais un combat suppose une direction. Quelle est la direction ? Est-ce qu’on viendra-là pour dire que vous étiez les vice-présidents, on va vous mettre quelque part, puis allons-y seulement? Mais où, dans quelle direction, pour faire quoi, avec qui ? Quand ces questions qui seront clarifiées, on en saura un peu plus. Ils étaient bien contents qu’on se sépare, pourquoi maintenant on devrait se retrouver? S’ils veulent, pour tenir un congrès, ils mettent en place un organe qui discute avec les partis politiques qui ont la même ligne, poses leur la question, si on devrait se retrouver. S’ils veulent, pour tenir un congrès, ils mettent en place un programme politique et ils demandent que la direction de l’UPADS discute avec ceux qui sont de la même ligne. Cela suppose qu’on trouve une ligne commune pour avancer, il faut définir ensemble le cadre. Pourquoi on viendrait comme cela parce que quelqu’un aurait dit : ‘’J’ai tendu la main, les généraux venez » ! Tendre la main pourquoi, nous avons commis quel crime. Est-ce qu’on s’est posé la question pourquoi nous sommes partis? Est-ce que le choix qui ont été faits ont été les bon ? Parce que l’UPADS était le premier parti de ce pays avec une cinquantaine de députés, le sénat, les conseils départementaux, la présidence de la République et le gouvernement.
Si nous ne sommes plus que ce nous étions hier et si l’on a perdu des camarades qui estiment que ce qu’on fait aujourd’hui ce n’est pas bon parce que ce n’est pas comme hier, la question qu’on doit se poser c’est qu’est-ce qu’on doit faire pour être au moins ce que nous étions hier ou faire des choses en tenant compte de la réalité actuelle, de l’évolution du monde, qu’est-ce qu’on peut faire ensemble aujourd’hui. C’est insultant si l’on devrait nous appeler de la sorte.

*Vous avez boycotté l’élection présidentielle de 2021, est ce que ce sera le cas pour les législatives et locales à venir?
**Je dois vous dire que c’est triste, pas pour moi mais pour le Congo. Depuis les élections de 1992, le Congo n’a jamais organisé d’élections justes, libres et transparentes. C’est la honte du pouvoir parce que c’est une des