Nous avons assisté comme si nous y étions, par les commodités techniques que nous offre le siècle, à un événement proche et lointain inédit. Le Nouveau sommet Afrique-France de cette année 2021 ne nous a donc donné à voir que peu de familiarités avec la liste des 27 sommets précédents. Nouveau, n’était pas seulement une formule de style: l’Afrique et la France ont abandonné le cornet à l’antique pour se parler par tablette numérique.
Il y a eu de l’inédit dans la rencontre du 8 octobre dernier à Montpellier, dans le sud de la France. Il ne s’agissait pas de la traditionnelle rencontre à papa, avec une pléiade de chefs d’Etat africains rassemblés autour d’un chef de l’Etat français distribuant (ou non) les bonnes ou mauvaises notes à des présidents disciplinés. Il ne s’est pas agi d’un club, avec des membres passant en revue leurs petits ou gros bobos et promettant de se retrouver l’année prochaine.
Jeune, le président français Emmanuel Macron a convié les jeunes du Continent et la société civile africaine à venir à cet échange. Nous avons assisté à des dialogues (pas des discours) où les rôles de maître et d’élèves n’étaient pas répartis à l’avance. Les questions ont été posées sans tabous, les réponses ont été apportées avec, semble-t-il, un air de sincérité que seul devrait démentir le temps.
Il ne s’agissait pas d’un sommet France-Afrique; d’un pays faisant la leçon à tout un continent, mais d’une vitalité échangeant; qui parlait avec la véhémence de toutes les vitalités, parfois avec l’impertinence et les véhémences qui vont avec. Vraiment inédit ! Mis de côté les carcans des droits d’aînesse ou de l’obséquiosité déférente. Je crois que les participants, organisateurs et hôtes, spectateurs et analystes ont adoré. Voilà pour la forme.
Que dire maintenant du fond, une fois tranchée la question des contorsions sémantiques? Faut-il un vocabulaire nouveau seulement pour dépoussiérer une vieille relation entre l’Afrique et la France, les colonisés et les colonisateurs, faite de trop nombreux non-dits? Faut-il que le sommet soit nouveau pour que se renouvellent les thématiques et les réflexes sur lesquels anciens: immigration, dettes, appuis aux régimes peu démocratiques, corruptions (et donc corrupteurs)?
Il nous faudra un peu de temps sans doute pour voir les fruits des trop nombreuses idées heureuses brassées à Montpellier. Le temps de voir, côté français, si la formule sera reprise par des successeurs de M. Emmanuel Macron qui piaffent à la porte alors que se profilent des élections incertaines chez lui. Le temps de voir aussi si les grises mines des dirigeants africains qui ont dû ranger à contre-cœur les riches houppelandes qu’ils voulaient exhiber en France, ne vont pas être tentés de remettre de l’ordre dans ce qui peut sembler pour eux une cafardeuse récréation.
Le temps nous dira si l’Afrique-France a de la substance et si, en ne grattant pas trop, ce n’est pas la France-Afrique qui continuera d’affleurer.
Albert S. MIANZOUKOUTA