Cet espace est réservé aux questions que bon nombre de férus du football congolais se posent sur divers sujets. Jean-Michel Mbono ‘’Sorcier’’, véritable légende vivante du ballon rond congolais et africain, les a répertoriées et y répond.

*Que dites-vous sur la réhabilitation des stades ?
*J.-M. MBONO: Il faut restaurer la plupart des stades qui tombent en ruine par défaut de club pouvant les utiliser et les rentabiliser.
Le salut ne pourrait venir que de la professionnalisation de notre football, qui permettra aux collectivités locales d’engranger beaucoup d’argent et, ainsi, assurer le développement du football dans son contexte social, politique et économique.
Les mairies et tout ce qu’il y a comme collectivités locales, devraient avoir des structures sportives qu’elles exploiteraient à titre compétitif et même pour le plaisir de manière efficace, ne serait-ce que pour la mise en œuvre d’une politique permettant d’exploiter les infrastructures existantes et de préserver le capital santé.
Toutes les mairies dans leur stricte majorité, votent des budgets importants pour le sport ou le soutien au sport. Elles devraient, par le biais de leurs commissions pour les infrastructures, se regrouper en organisation protégeant collectivement les intérêts communs pour introduire les notions comme la culture du sport.
Les fédérations, bien que n’étant pas impliquées directement, devraient, elles aussi, par le biais de la libéralisation, obtenir de l’Etat la privatisation partielle ou totale des stades omnisports existants et dans la mesure du possible, faire utiliser ces stades par des opérateurs économiques privés.
Par expérience, nous savons que nos clubs n’ont pas de siège, ni d’aire d’entraînement avec vestiaire acceptable. Ils n’ont pas en leur sein des élèves, des étudiants et même des salariés. Ils n’ont pas de sponsors ni même de compte bancaire. Les affecter dans les départements serait même idéal.
Pour résumer, voici des gens qui n’ont rien et qui ont l’illusion d’avoir tout, en raison de leur passion pour le football. Nous constatons, de manière concrète, que notre pays dispose de 11, voire 12 stades dont la majorité ne fonctionne pas. Il s’agit des stades La Concorde de Kintélé et Président Alphonse Massamba-Débat à Brazzaville, Municipal à Pointe-Noire, Paul Moukila à Dolisie, Marien Ngouabi à Owando, Kinkala, Djambala, Sibiti, Ewo, Madingou, Ouesso, Oyo.
L’affectation des clubs dans les départements sous-entend, naturellement, l’épineuse question du transport à l’échelle nationale. Le transport peut être considéré ici comme le nerf de la guerre. Voici certaines questions qui se posent : Comment faire pour aller jouer à Ouesso quand le club est basé à Pointe-Noire ? Comment faire pour aller jouer à Dolisie quand le club est basé à Owando ? Comment faire pour aller joueur à Djambala quand le club est basé à Sibiti ?
Il faut solliciter des pouvoirs publics le vote d’une loi sur le sponsoring aux fins de voir les clubs directement sponsorisés. Pour crédibiliser cette démarche, envisager tout d’abord la gestion des clubs par les mairies. Car non seulement ces collectivités publiques peuvent ramener un peu d’engouement clanique dans la vie de nos clubs et ramener les spectateurs dans les stades, mais elles peuvent également leur imposer certaines grosses structures capables d’y investir. Elles sont par ailleurs crédibles à tous les points de vue.
D’ailleurs, partout en occident, ce sont les mairies qui ont la gestion des clubs en main. La dernière question est celle de savoir quel sera le statut de nos clubs ?
Notre ferme volonté est de conduire le sport-roi vers l’option du professionnalisme dans la gestion des ressources humaines et matérielles.
Dans le cadre du professionnalisme au Congo, il s’agit de faire d’une partie de nos footballeurs, des travailleurs à part entière rémunérés et payant l’impôt suivant une convention (à établir) compatible à la législation du travail au Congo.
L’instauration du professionnalisme au Congo pourrait pleinement relever de la volonté politique de l’Etat et du Gouvernement qui décideront de créer une entreprise nationale rentable, compatible aux lois du sport et aux statuts de la FECOFOOT, des clubs et à la législation du travail en vigueur au Congo.
L’instauration du professionnalisme trouve sa justification dans l’absence d’une politique nationale de développement du football appropriée et, partant, d’un système d’organisation et de gestion des compétitions dont les symptômes sont : l’instabilité des clubs, l’illisibilité des compétitions nationales, l’inadéquation des niveaux des clubs dans les différentes compétitions nationales.
-L’instabilité des clubs : le mode d’organisation et de gestion des compétitions nationale tel que conçu de nos jours, expose les clubs à une instabilité qui aboutit, à terme, à leur destruction ;
-L’illisibilité des compétitions nationales : excepté le championnat national direct Ligue 1, les autres compétitions (Championnat national Ligue 2, Championnat des Ligues départementales ‘’locales’’) sont moins lisibles à tout point de vue et accordent très peu d’intérêts aussi bien au public qu’aux éventuels sponsors ;
-L’inadéquation des niveaux des clubs dans les différentes compétitions nationales : elle est incontestable, surtout pour les équipes de ligues départementales, si bien que, chaque fois qu’une équipe départementale réussit son accession au faîte de la hiérarchie de notre football, sa relégation immédiate en division d’origine est de règle.
Dès lors, ces constatations appellent non seulement la nécessité d’une reformulation du système d’organisation et de gestion des compétitions nationales, mais justifient aussi bien l’instauration du professionnalisme au Congo.

*Que pensez-vous de la violence et de l’indiscipline dans les stades en Afrique?
*J.-M. MBONO: La violence et l’indiscipline sont devenus, au fil des ans, un fait de société. Le football n’a pas échappé à ce fléau. Le cadre vert, rectangle à priori de plaisir, se transforme trop souvent en cadre noir. Et le stade, en général, prend des allures d’arène peu amère voire «sanglante».
Nous constatons avec effroi que la violence s’est généralisée. Elle touche tous les stades africains et les jeunes. Pourtant il existe un arsenal d’intimidations à la disposition des commissions de discipline.
Pour nous, la meilleure des sanctions serait de retirer des points aux équipes dont les supporters font du n’importe quoi. Ces derniers arrêteront alors leurs idioties, ne serait-ce que pour sauver leurs clubs. Les sanctions feront prendre conscience aux gens de la gravité du problème et celui-ci disparaîtra progressivement. L’argent ne compte pas pour les clubs de football contrairement aux points et à la fierté : privez-les en.
Les règlements façonnent les comportements. Il est donc impératif qu’ils s’opposent fermement aux idioties des supporters. Et pourquoi pas envisager jusqu’à la rétrogradation en division inférieure.
Nous avons aussi le sentiment que lorsque les incidents graves se produisent, les faits ne sont pas toujours rapportés correctement. Mais ce qui est désolant, c’est l’attitude de certains dirigeants africains. Ils sont prêts à aller devant le bureau exécutif de la fédération pour faire annuler certaines décisions. On a parfois l’impression qu’ils se moquent de tout. Ils font même appel aux politiques pour faire pression sur les instances du football. Les gens ne respectent plus la règle, la hiérarchie. Le football doit échapper à ce phénomène.
(A suivre)