Le procureur général près la Cour constitutionnelle en RD Congo a requis, mercredi 23 avril 2025 vingt ans de prison contre Augustin Matata Ponyo. Depuis trois ans, l’opposant et ancien Premier ministre est poursuivi pour le détournement présumé de près de 200 millions de dollars destinés au projet du parc agroalimentaire de Bukangalonzo lorsqu’il était chef du gouvernement entre 2012 et 2016. Matata Ponyo avait brandi son immunité de député fraîchement acquise.
Ses deux co-accusés, l’ancien gouverneur de la Banque centrale Deogratias Mutombo et l’homme d’affaires sud-africain Christo Grobbler, ont invoqué des raisons de santé. Le procureur général a sonné la charge. «Il est inacceptable que le prévenu puisse narguer la plus haute juridiction du pays. Les immunités ne sont pas synonyme d’impunité. Il était sous l’effet des poursuites lorsqu’il a acquis le statut de député national. Il ne peut pas aujourd’hui chercher par des subterfuges et par des affabulations, à créer des dilatoires et empêcher la Cour de faire son travail. Ce prévenu est en train de se moquer de la justice», a-t-il affirmé.
Des inspecteurs des finances se sont succédé à la barre pour enfoncer Matata Ponyo accusé d’un détournement présumé de 195 millions de dollars dans un projet qualifié de «flou et mal encadré». Le réquisitoire n’a pas tardé: «Tous les éléments constitutifs des infractions mises à charge des prévenus étant réunis, nous requérons qu’il plaise à votre Cour de condamner chacun à 20 ans de travaux forcés et d’ordonner leur arrestation immédiate».
Le verdict sera rendu le 14 mai. La défense avait déjà contesté la Cour, estimant que deux des juges étaient hors mandat. L’avocat de Matata Ponyo a dénoncé «un réquisitoire déconnecté de l’économie des faits». Après avoir refusé de comparaître, brandissant son immunité fraîchement acquise de député national, Matata Ponyo a été jugé en son absence le 23 avril 2025. Son avocat a souligné que le jugement, qui sera rendu, ne sera pas opposable à l’ex-Premier ministre.
Le Pr Laurent Onyemba a assuré que la Cour est tombée dans un déni de justice: «Le chef de l’Etat a dit que la justice est malade. Le réquisitoire du ministère public est déconnecté de l’économie des faits, il est déconnecté de la vérité des faits. C’est une juxtaposition d’arguments dénués de tout fondement juridique».
Dans son propos, il a rassuré: «L’état d’esprit de Monsieur Matata est imparable. Il est le même: il s’estime être devant des gens qui n’offrent pas de garantie. Il a rappelé que deux des juges de la Cour constitutionnelle étaient en dépassement de mandat. Maintenant la question en droit est: quelle est la conséquence d’une décision rendue par des juges qui n’ont plus qualité, qui sont en dépassement de mandat? C’est un scandale, c’est un délit de justice!… Il s’agit d’un procès politique».

Alain-Patrick MASSAMBA