Un baobab de la littérature contemporaine congolaise vient de se coucher pour l’éternité: Dominique Ngoie Ngalla. Le poète, romancier, essayiste, dramaturge, également historien, anthropologue et philosophe, s’est éteint dans la nuit du samedi 17 octobre 2020 au centre hospitalier de Melun-Sénart, dans le département de Seine-et-Marne, en île de France, à l’âge de 77 ans. Souffrantt de la prostate, il avait été d’abord hospitalisé à l’hôpital central des armées Pierre Mobengo de Brazzaville, pendant une semaine. Puis, il avait regagné son domicile, au Plateau des 15 ans. Avant de se rendre en France où il a subi une opération chirurgicale à Melun. Alors qu’il était en convalescence, sa situation s’est brusquement dégradée. Et l’irréparable s’est produit.

Considéré comme l’un des plus grands hommes de lettres du continent africain, Dominique Ngoïe Ngalla a vu le jour en 1943, à Kimvembé, un bourg du district de Mabombo, dans le département de la Bouenza..
Titulaire d’un doctorat de 3e cycle d’histoire de l’Université de Bordeaux (France) ainsi que d’un doctorat ès lettres obtenu à Paris-Sorbonne, il a enseigné à la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville. En 1999, la guerre civile qui ravage le pays le contraint à quitter Brazzaville.
Après avoir vécu dangereusement et difficilement en forêt où, comme tant d’autres, il s’était réfugié, ayant dénoncé trop clairement égoïsme et corruption dans son pays, il fuit par le Gabon et séjourne quelques temps à Abidjan (Côte d’Ivoire).
Sur son blog, intitulé «Réflexions actuelles», il livrait ses réflexions sur le monde d’aujourd’hui: de l’Afrique clopinant sur le chemin de la modernité au reste du monde, de la complexité des enjeux politiques aux péripéties du fait religieux, nous découvrons sous la plume de cet homme de lettres, l’âme du poète qui rêve d’un autre monde, mais n’oublie ni les brûlures de l’histoire, ni la dure réalité du temps présent…
Le 28 février 2020, l’écrivain disparu était à l’honneur à la Librairie ‘’Les Manguiers’’ du quotidien congolais ‘’Les Dépêches de Brazzaville’’. A l’occasion de la «Gourmandise poétique», une rencontre littéraire majeure, fruit du partenariat entre la Librairie ‘’Les Manguiers’’, l’Association Le Pen centre Congo-Brazzaville, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Culture Elongo, le Prix des cinq continents, le Club de lecture et de l’écriture et l’Institut français du Congo (IFC), dont la mission essentielle est de faire la promotion de la poésie à travers des séances de déclamation.
Lectures de textes, mais aussi une conférence donnée par l’auteur autour du thème: «Le rôle de la poésie dans la formation du citoyen» était au programme de cette rencontre qui avait réuni le gratin du monde littéraire congolais.
Dominique Ngoïe Ngalla laisse une publication riche et abondante, dans plusieurs genres littéraires: poésie, roman, essai, théâtre. Parmi ses œuvres, on peut citer: «Poèmes rustiques», Atimco (1971); «L’Enfance de Mpassi», récit, Atimco (1972); «Mandouanes», poésie, Saint-Paul (1976); «Nocturne», poésie, Saint-Paul (1977); «Nouveaux poèmes rustiques», Saint-Paul (1979); «Lettre à un étudiant africain», Mbonda (1980); «La Geste de Ngoma Mbima» (1982); «L’Ombre de la nuit et Lettre à ma Grand-mère», nouvelles, ATIMCO Combourg (1994); «Lettre d’un Pygmée à un Bantu», IPN (1988), Ed. Bajag-Méri (2003); «Le Retour des ethnies. La violence identitaire», Abidjan, Imp. Multiprint (1999), Ed. Bajag-Méri (2003); «Combats pour une renaissance de l’Afrique nègre, Parole de Vivant, Ed. Espaces Culturels, Paris, (2002); «Le Retour des ethnies. Quel état pour l’Afrique. Ed. Bajag-Méri (2003); «Route de nuit», roman, Ed. Publibook (2006); «L’Évangile au cœur de l’Afrique des ethnies dans le temps court»; l’obstacle CU, Ed. Publibook (2007); «Au Royaume du Loango, les athlètes de Dieu (1880-1930)», Publibook (2010).
Après la disparition de celui que Sylvain Bemba considérait comme un «poète sensible et esthète… amoureux de la belle langue» et «procureur […] exigeant», plusieurs personnes revisitent surtout son poème testamentaire: ‘’Prière pour être enterré à Mandou’’ que voici:
«Lorsque la nuit sera descendue/Sur mes paupières closes à jamais/Et que ma carcasse humiliée/Demandera à retourner à ses origines,/Permets ô Dieu/Que je prenne mon repos parmi les ruines/De Mandou déserté par ses fils oublieux./L’ouragan des passions ou l’effroi de la mort/Les dispersa par toute la terre/Où le soir, lorsque le cœur s’alourdit,/Ils se souviennent en pleurant./Là couché sous un humble tumulus,/Comme tant d’autres fauchés,/Jeunes et vieux avant la funeste diaspora/J’attendrai l’heure du jugement./Sur ce tertre sans gloire il n’y aura rien/Que de pauvres fleurs de champs/Et l’humble croix latine./Et le passant avisant ce modeste mausolée/Lira avec un pleur au coin de son œil rougi:/Ici repose Dominique NGOIE-NGALLA/Un rien de mandouan qui ne fit rien pour sa patrie/Si ce n’est qu’il l’aima avec piété,/La paix sur lui et qu’il dorme tranquille.»
Aux dernières nouvelles, Dominique Ngoïe Ngalla a été porté en terre le jeudi 19 octobre à Melun, où il aurait contracté le coronavirus.

Véran Carrhol YANGA