Après l’inscription de la rumba congolaise au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité le 14 décembre 2021, le Président de la République Démocratique du Congo, Antoine Félix Tshisekedi Tshilombo, et sa ministre de la Culture, arts et patrimoines, Mme Cathérine Kathungu Furaha, avaient aussitôt exprimé leurs sentiments. On attendait les réactions des autorités de la rive droite du fleuve Congo. Le Président Denis Sassou-Nguesso a évoqué le sujet, dans son discours sur l’Etat de la Nation devant le Parlement réuni en congrès, le mardi 29 décembre. Le ministre de la Culture et des arts, Dieudonné Moyongo, pour sa part, s’est exprimé deux jours après, à l’occasion d’un petit-déjeuner de presse. C’était en présence de la représentante de l’UNESCO au Congo, Mme Fatoumata Marega, et du président du Comité rumba congolaise, le Professeur Joachim Emmanuel Goma Thethet.

Des journalistes
Des journalistes

Après avoir fait observer une minute de silence en mémoire de Mfumu Fylla, le premier président du Comité rumba congolaise, et de deux autres membres de ce Comité, Jean-Pascal Mongo Slim et Cyriaque Bassoka, le ministre Dieudonné Moyongo a justifié le mobile de la rencontre: informer, officiellement, l’opinion nationale et internationale de l’inscription de la rumba congolaise sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Il a rappelé que la partie congolaise a bénéficié, «dès le départ, du soutien du Président Denis Sassou-Nguesso, Grand protecteur des arts et des lettres». Il lui a rendu un «hommage déférent pour son implication constante au processus d’inscription de la rumba sur la liste représentative du Patrimoine culturel immatériel de l’humanité».
Le ministre de la Culture a remercié le Bureau du l’UNESCO au Congo «pour l’appui multiforme» et la directrice générale de cette institution pour «l’intérêt qu’elle n’a cessé de manifester à la candidature de la rumba congolaise.»
Pour Dieudonné Moyongo, «cette inscription est l’aboutissement d’un travail laborieux qui a été mené deux ans durant, de part et d’autre du Fleuve Congo, par un Comité national d’experts scientifiques de chacun des deux pays.»
Pourquoi les deux Congo ont-ils décidé de porter conjointement le dossier de l’inscription de la rumba congolaise sur cette liste?
«La rumba congolaise, spécificité musicale héritière des danses populaires, est née sur les deux rives du fleuve Congo, dans les villes de Léopoldville (actuelle Kinshasa) et de Brazzaville. Elle est pratiquée et vécue avec le même entrain, tant en République du Congo qu’en République Démocratique du Congo, et même dans certains pays de la sous-région, tels l’Angola, le Gabon, le Cameroun et la Centrafrique.
Par le biais de la diaspora des deux Congo, la rumba congolaise a conquis d’autres espaces en Afrique, aux Antilles, en France, en Belgique et ailleurs. Elle est devenue le socle de la plupart des musiques africaines et d’ailleurs car, son impact est perceptible dans d’autres genres musicaux comme l’afro beat, le kizomba, le zouk, le rap, le coupé décalé, etc.
Au fil des temps, la rumba congolaise a fait preuve d’une vitalité et d’un génie exceptionnels, en tant qu’expression populaire de la cohésion sociale, en tant que vecteur de mobilisation citoyenne en faveur du développement durable de nos pays et de nos peuples, en tant que plaidoyer du panafricanisme et de la coexistence pacifique mondiale. Bref, c’est un art du vivre ensemble que nous avons le devoir de sublimer.
Et c’est à juste titre que l’UNESCO, en ce début du XXIe siècle a reconnu l’apport de cette musique des deux Congo dans l’accomplissement de ses idéaux à travers deux événements majeurs: l’élévation, en octobre 2006, en présence du Président Denis Sassou-Nguesso, de l’artiste Jean Serge Esssous, un des fondateurs de plusieurs orchestres mythiques des deux Congo, au rang d’Ambassadeur de la paix pour l’UNESCO. Et la proclamation, en 2013 et 2015 de Brazzaville et Kinshasa, «villes créatives de l’UNESCO dans le domaine de la musique», reconnaissant en ces deux métropoles de grands foyers de la rumba, dépositaires de célèbres manifestations culturelles telles le FESPAM et le Festival rumba parade.
Au regard donc de cette trajectoire de la rumba congolaise, les deux Congo ont décidé de revendiquer que ce patrimoine identitaire commun soit élevé au rang de visibilité et de légitimité culturelle mondiales, à travers l’UNESCO».
Quelles sont les tâches à venir pour la sauvegarde et la promotion de la rumba congolaise, conformément à la Convention de l’UNESCO de 2003?
«Les deux Congo devront mettre en pratique la stratégie de sauvegarde et de pérennisation de l’élément, conformément aux dispositions de l’article 13 de la Convention de l’UNESCO de 2003, ratifiée par le Congo. Il s’agit, entre autres, de: mettre en place un cadre juridique et réglementaire; mettre en place les modalités de formation des jeunes; encourager les recherches sur la rumba et publier les travaux desdites recherches; construire les infrastructures répondant aux exigences de la sauvegarde et de la promotion de la musique; structurer le marché de la musique, etc.»
Pour Dieudonné Moyongo, les avantages que le Congo tirera de cette inscription sont nombreux: sauvegarder et promouvoir l’élément qui fait partie de notre mémoire (grâce au soutien technique et financier de l’UNESCO); faire bénéficier le Congo du label de l’UNESCO (c’est une marque déposée); reconnaître la République du Congo comme foyer originel de la rumba; contribuer à l’essor des industries culturelles et créatives; faire du Congo une destination touristique à l’occasion des festivals et autres événements festifs; entretenir le sentiment de fierté nationale.

Véran Carrhol YANGA