Toutes les autorités promettent: le viaduc du bord du fleuve sera reconstruit. Peu importe que cette promesse soit ou non nourrie par une réelle volonté de mieux faire. Peu importe que dans les prochains mois, les prochaines années, un ouvrage à l’identique redresse notre fierté mutilée. Peu importe que nous nous donnions les moyens de reconstruire.
Parce que rebâtir ce qui s’est écroulé est bien le minimum que nous puissions faire. Nous n’allons certainement pas nous infliger à vie le spectacle d’un orgueil national effondré ? Nous contenter de montrer à nos enfants qui s’habituaient là aux plaisirs de la promenade, de la marche, de l’équitation en disant : «tu vois, ce trou béant était le plus bel ouvrage de Brazzaville !»
Le viaduc, tel une bête blessée au ventre, gémit sous nos regards indignés. Il devrait être l’occasion des interrogations: celles qu’on se pose et les autres qu’on n’ose formuler. Pas même trois ans, et le voilà à terre? A qui la faute principale? Comment répartir les responsabilités? De quelle manière décliner les alliances contractuelles futures? Quid du reste de l’ouvrage et des autres ouvrages tout aussi prestigieux?
Dans la rue, les questions et les réponses foisonnent. Les soupçons de prébendes et de détournements ayant allégé les sommes d’argent et ayant abouti à un travail léger ne sont pas les moins avancés. Notre rue sait se donner les réponses aux questions silencieuses: les réseaux sociaux savent ajouter du piment et tourner le couteau dans nos plaies. Il n’empêche, un viaduc sur le flanc est un spectacle qui ne se prévoit pas au bout de pas même quatre ans de sa construction!
Il était le symbole de l’indépendance souveraine à diversifier nos partenariats, il sera demain le point de départ de suspicions, y compris sur le reste. A quel point les autres ouvrages dans nos villes, les immeubles, les ponts et les routes sont-ils fiables? Et plus généralement : que changer dans le mode de distribution des marchés de l’Etat pour que la garantie soit, justement, garantie?
Il y a dans Brazzaville d’autres trous béants. Il y a sur nos routes, du sud au nord, du sud à l’ouest des difficultés de circulation qui appellent une expertise aguerrie. Serons-nous contraints aux mêmes précarités? A nous résigner à recevoir des ouvrages rutilants mais vermoulus? La responsabilité des décideurs est assurément engagée, mais notre propre vigilance aussi.
On rappellera volontiers que pour aboutir à un tel désastre impressionnant, il y a eu une longue file de négligences, de laisser-aller. C’est l’occasion de nous souvenir que les accotements de ces routes doivent être dégagés. Les maraîchers qui réoccupent les bas-fonds de nos viaducs, nous préparent avec insouciance d’autres lendemains de douleur. Les pluies qui rongent nos villes n’ont que faire de notre souci d’alimentation. Elles tombent, elles se fraient les passages que nous leur offrons et : bonjour les dégâts !

Albert S. MIANZOUKOUTA