Il est vrai que l’autofinancement exige beaucoup de temps et de moyens en vue de gagner le pari de l’autonomie économique de nos Eglises particulières. L’Eglise réelle qui est la nôtre aujourd’hui, même après 140 ans d’évangélisation se présente comme une communauté presqu’entièrement dépendante de l’extérieur et particulièrement de l’Occident et donc immature.

En effet, la grande partie de nos dépenses de fonctionnement est couverte par les dons que nous recevons des Eglises sœurs d’Occident. Pour réaliser nos activités pastorales, pour construire nos bâtiments, pour entretenir, pour payer notre personnel nous avons besoin jusqu’à ce jour soit d’écrire des projets soit de nous rendre nous-mêmes en Occident chercher de l’aide. Quelle abomination de la désolation après 140 ans…
Pourquoi les fidèles de la République du Congo n’arrivent-ils pas encore à prendre en charge leur Eglise même après 140 ans? Est-ce par insuffisance des ressources locales?
Plusieurs raisons sont à la base de la dépendance financière dans laquelle vivent les Eglises particulières en République du Congo: les facteurs socio-politiques, l’exploitation des puissances extérieures, la mauvaise gestion due à l’incompétence et à l’absence de culture de management. Nous nous baserons essentiellement sur l’héritage ancestral et psychologique et les méthodes d’implantation de l’Eglise et leurs systèmes financiers (défaut dans l’évangélisation).

L’héritage ancestral et psychologique n’a pas été remué par l’évangélisation

Bien que le Congo regorge d’une grande richesse naturelle, il lui manque cependant le sens de prévision économique. De plus il est marqué par la peur de l’innovation et de l’action à long terme. En outre il utilise d’une manière irrationnelle ses ressources matérielles.
Un autre frein au développement de notre pays vient d’autres facteurs tels: la peur de la hantise des mauvais esprits, la sorcellerie, la jalousie et les conflits entre les personnes, les familles, les groupes socio-ethniques.
D’autre part, on se laisse aller à la paresse au lieu de s’adonner au travail productif sans lequel on ne peut se développer. Où sont donc passés ces 140 ans d’évangélisation? Ce secteur principal est-il donc tombé dans l’oubli?
Les méthodes d’implantation de l’Eglise et leurs systèmes financiers constituent un autre secteur oublié par les 140 ans d’évangélisation de notre beau pays. Un secteur non évangélisé dépourvu d’adaptation et qui a freiné l’autonomie
L’implantation de l’Eglise en République du Congo est passée par plusieurs étapes au cours desquelles les territoires de mission ont été pris en charge par les instituts missionnaires. Ainsi, ces derniers devraient fournir aux jeunes Eglises le personnel et les finances pour la mission évangélisatrice.
Au plan financier, ce sont les missionnaires qui ont pris soin de tout. La population autochtone était considérée comme trop pauvre pour contribuer au développement des missions. Les missionnaires fondèrent des églises, des écoles, des hôpitaux, des maisons d’habitation pour les prêtres, des couvents pour les religieuses et les religieux, les séminaires et les orphelinats.
Toutes ces œuvres ont été réalisées sans la collaboration de l’homme Congolais. Elles apparaissent comme l’affaire des Européens. Pour la population, il s’agissait des œuvres d’assistance sociale étrangère dont il fallait bénéficier sans un moindre effort de contribution. Ce qui a favorisé la mentalité d’assisté que l’on déplore aujourd’hui chez les fidèles chrétiens congolais.
Par l’œuvre missionnaire commencée à partir du 18e siècle, «les missionnaires ont cru implanter l’Eglise en République du Congo en y transplantant le modèle organisationnel occidental aussi bien dans son personnel, dans ses œuvres que dans ses méthodes d’inventivité de la part de cette communauté.»
Il va s’en dire que ces Eglises sont restées sous la dépendance financière des Eglises fondatrices. Elles sont passives. En plus, elles portent des structures héritées. Leurs infrastructures, les équipements industriels fonctionnent grâce au recours perpétuel à l’aumône. Elles sont comme le fait remarquer Binwenyi nées handicapées par la façon dont elles ont été implantées. Il y a comme une sorte de défaut de fabrication.
Je ne nie pas les mérites de l’œuvre missionnaire. Sur le plan financier, nous ne pouvons qu’admirer les réalisations en faveur des jeunes Eglises de la République du Congo pour la fondation desquelles les Instituts missionnaires ont investi en personnel et en argent. Parmi ces réalisations nous pouvons citer notamment la construction des infrastructures pour l’éducation, les soins médicaux et les œuvres sociales.
Mais si l’œuvre missionnaire présente des mérites, elle est marquée aussi par certains défauts: absence de synodalité et donc exhibitionnisme d’un cléricalisme suicidaire.
L’évangélisé congolais n’a pas été suffisamment associé à l’œuvre de la fondation de son Eglise particulière pour être capable de prendre la relève post-missionnaire. En effet, sans la participation responsable locale, l’œuvre missionnaire a donné aux Congolais l’impression d’être une affaire des autres.
Un autre défaut consiste dans le fait que les missionnaires ont amené des institutions importées et financées par l’étranger seul sans y faire participer la population locale. Or, l’autofinancement, nous semble-t-il, ne se construit pas par des institutions préfabriquées, mais plutôt par des hommes capables d’initiatives, de production et de générosité.
L’heure est venue où Jésus-Christ nous exhorte à résoudre les problèmes de notre pauvreté. Il s’agit de transformer en rapport d’interdépendance la totale dépendance actuelle de nos Eglises vis-à-vis de l’aide étrangère. D’où certaines questions:

Quels sont les voies et moyens à suivre pour bâtir une Eglise mûre et adulte après les 140 ans d’évangélisation?

Quelles stratégies adopter et quelles méthodes suivre pour faire comprendre aux chrétiens de la République du Congo que l’Eglise leur appartient et qu’elle n’est pas l’affaire des autres? Que faire pour aider les chrétiens de la République du Congo à se prendre en charge réellement?
Parmi les pistes à suivre, nous proposons comme priorité l’application des dispositions canoniques sur l’acquisition et la gestion des biens matériels selon le Code de droit canonique.
Quels vont être les autres principes à mettre en pratique pour la recherche de l’autonomie économique des Eglises particulières en République du Congo?

Abbé Christian Noël DEMBI KOELA
Juriste et islamologue