Des organisations de la société civile se sont heurtées la semaine passée au refus de la Préfecture de les voir manifester dans les rues de Brazzaville. Elles entendaient organier une «marche de la misère» estimant que le pays vivait trop mal et que les populations étaient fatiguées de vivre dans l’indigence. Non seulement la marche n’a pas été autorisée, mais trois des responsables majeurs du mouvement ont passé 72h au commissariat de la Milice. Ce tableau est conforme au schéma de toujours. Et toujours, les autorités préfectorales invoquent des menaces à l’ordre public pour interdire ce qu’elles veulent.
Et le tout, en assurant devoir le faire au nom de la démocratie et pour elle. Voire ! Près de trois décennies après la liberté de fonder des partis, les gouvernants font montre d’une extrême frilosité dès qu’il est question de parler des libertés et de les mettre en acte. Certes, le pays a fait des progrès remarqués pour ce qui est de la liberté d’expression, par exemple. Aucun journaliste n’y est en prison. Mais la liberté est un tout qui ne fonctionne pas qu’en partie. Elle nourrit le reste de la société et ne s’appelle telle que lorsque, même des citoyens turbulents, peuvent s’en saisir et en user.
Dans des pays pas trop lointains, des citoyens descendus dans les rues ont ensuite été conduits aux cimetières, les gouvernants «éplorés» dénonçant une infiltration d’activistes agitateurs. Au Kenya, le Gouvernement a reculé et révisé des mesures fiscales envisagées qui auraient réduit le pouvoir d’achat de citoyens exténués. Au Nigéria, le Président Tinubu a appelé la Nation au calme, mais seulement après avoir concédé des hausses de salaires. Il est apparu aux yeux du président du pays le plus peuplé d’Afrique, premier producteur de pétrole, que l’Etat aussi devait faire des efforts pour un mieux-être partagé.
Une leçon de vie s’impose à tous en Afrique Centrale : ce n’est pas parce qu’un peuple danse et se divertit qu’il n’a pas de motifs de mécontentements. Nous sommes en paix et devrions le rester. Mais à multiplier les motifs de frustration, nous courons le risque d’une agitation plus grande que nous aurions pu éviter.
Albert S. MIANZOUKOUTA