«Ton honneur c’est de courir au combat pour la justice, la clémence et la vérité» (Ps 44, 5) L’Eglise universelle est entrée dans la marche vers Pâques, depuis le mercredi des cendres, 17 février 2021. A l’occasion de ce temps de carême 2021, Mgr Urbain Ngassongo, évêque de Gamboma, a publié un message intitulé: «Dieu nous appelle à un dialogue créateur et rédempteur et non un dialogue nuisible et destructeur». Ci-dessous l’intégralité de ce message.

Frères et sœurs en Christ,
1. Le Carême est là, un temps privilégié d’enracinement de notre foi en Christ mort et ressuscité, vainqueur du mal, source de vie surabondante (Cf. Jn 10,10). C’est un moment propice d’écoute, de méditation et de célébration de la Parole de Dieu. Écoutons le Pape François nous exhorter en ces termes «le Carême est un temps pour croire, c’est-à-dire pour recevoir Dieu dans notre vie et pour le laisser établir sa demeure en nous (Cf. Jn 14, 23). Jeûner consiste à libérer notre existence de tout ce qui l’encombre, même de ce trop-plein d’informations, vraies ou fausses, et de produits de consommation pour ouvrir la porte de notre cœur à celui qui vient jusqu’à nous, pauvre de tout mais «plein de grâce et de vérité « (Jn 1,14): le Fils du Dieu Sauveur.»1 Pape François, Message pour le Carême 2021.
2. La prière, le jeûne et l’aumône, tels que Jésus les présente dans sa prédication (Cf. Mt 6, 1-18) sont les expressions d’un dialogue créateur et rédempteur. Le signe de notre conversion complète qui nous rapproche de nos frères et sœurs sans préjugés. Car Dieu seul voit le fond des cœurs et nous connaît infiniment mieux que nous-mêmes. Il nous invite à enlever la poutre qui est dans notre œil et qui nous aveugle sur la vérité. Laissons-lui le soin de juger nos frères et sœurs. De toute façon, le prophète Isaïe nous rappelle ce qui plaît à notre Père, au cas où nous l’aurions oublié: aimer Dieu, de plus en plus et toujours en actes, en étant au service des autres (Cf. ls 58, 1-9). Si par le jeûne, on se désencombre de soi, si par le partage, on comble l’autre de notre richesse, par la prière, on se remplit de la présence de Dieu, ou plutôt on laisse Dieu nous remplir de sa présence.
3. Tout jeûne a pour but de nous rappeler que le Seigneur de toute joie souffre dans son peuple, peut-être ceux qui nous sont proches. La vraie prière nous rapproche des autres et de Dieu, en particulier de ceux qui souffrent de quelque façon que ce soit. Elle nous rapproche également de nous-mêmes, de nos espoirs, de nos désirs et de tout ce qui concerne le mystère de notre vie.
4. La Parole de Dieu est la lumière de nos pas, la lampe de notre route s’exclamait le psalmiste (Ps 118, 105). Elle est vérité, qui révèle Dieu à l’homme et l’homme en Dieu. Elle donne à l’homme de connaître son origine et sa fin, c’est-à-dire de connaître le sens de sa dignité et de béatitude dans sa juste relation avec le créateur, le prochain et la création. Voilà pourquoi, dans la situation actuelle de notre pays et de notre diocèse, et pour bien vivre ce temps de grâce dans un esprit de conversion, nous nous laissons toucher, illuminer par la Parole de Dieu pour redécouvrir le mystère d’amour infini de Dieu pour nous, à nous convertir en profondeur, pour renouveler et renforcer notre alliance sacramentelle avec le Christ.
5. Filles et fils bien-aimés de Dieu, c’est pour nous mettre ensemble à l’écoute de cette Parole de Dieu et en tirer les implications pratiques, que moi, votre évêque, je vous rejoins en cette première semaine de ce carême, à travers ce message centré sur le dialogue. Le Seigneur nous assure que notre fidélité à sa Parole fera de nous ses vrais disciples, capables de promouvoir un dialogue créateur et rédempteur en Eglise et dans le monde.
6. Le livre de la Genèse nous enseigne que Dieu n’a pas créé l’homme solitaire: dès l’origine, «il les créa homme et femme» (Gn 1, 27). Cette société de l’homme et de la femme est l’expression première de la communion des personnes. Car, l’homme, de par sa nature profonde, est un être social, et, sans relations avec autrui, il ne peut vivre ni épanouir ses qualités1.
7. C’est pourquoi, Dieu dans sa pédagogie d’amour pour le salut de l’homme est constamment en dialogue avec lui. Dieu ne parle pas pour parler, pour dire des paroles vides et vaines, abandonnant à leur sort ceux et celles qui croient. La Parole de Dieu est au contraire source créatrice et rédemptrice de l’homme et de tout l’homme: «La parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce qui me plaît, sans avoir accompli sa mission.» (ls 55,11)
8. En ce temps de Carême, Dieu veut nous parler de manière particulière, individuellement, en Eglise, à travers nos conditions de vie, la situation actuelle de notre pays et de notre diocèse. Le temps de Carême dit le Pape François: «est un temps pour espérer, pour tourner de nouveau le regard vers la patience de Dieu qui continue de prendre soin de sa création»2. «Le soin de la création est justement à la base de l’institution du Shabbat qui visait, outre le fait de réguler le culte divin, à rétablir l’ordre social et l’attention aux pauvres»3 (Cf. Gn 1,1-3 ; Lv 25,4).
9. Dans la Bible il y a plusieurs récits qui font référence à Dieu qui prend l’initiative d’entrer en dialogue avec sa créature. Dieu est Parole, parce qu’il est d’abord écoute. Il parle non pour lui-même, mais à l’homme. Le livre de la Genèse nous montre que Dieu, comme un père écœuré par les perversités de ses enfants, en serait venu à anéantir Sodome et Gomorrhe. Mais dans un dialogue créateur et rédempteur, Abraham réussit à obtenir la miséricorde de Dieu pour dix Justes (Gn 18, 16-33).
10. Pour réaliser son projet de libération du peuple d’Israël en esclavage en Egypte, Dieu entre en dialogue avec Moïse et lui demande sa collaboration. Dieu lui dit qu’il sera avec lui. Moïse alors met sa confiance en Dieu et accepte, avec disponibilité, de collaborer. Il s’engage avec toutes ses forces, suit les indications de Dieu jusqu’à la sortie des hébreux de l’Egypte et de l’esclavage du pharaon (Ex 3, 1-12).
11. Dans les Evangiles, Jésus est présenté comme l’homme par excellence du «dialogue créateur et rédempteur», où chaque interlocuteur se trouve valorisé, pardonné, aimé, apprécié à sa juste valeur, transfiguré, prêt à renaître, à entrer dans une vie nouvelle4. C’est le cas par exemple, de la rencontre de Jésus avec la samaritaine (Jn 4, 1-42), avec Zachée le collecteur d’impôt (Lc 19, 1-10), tout comme avec Nicodème le juif savant (Jn 3, 1-21). A propos, écoutons le Pape François: «ce n’est qu’avec un regard dont l’horizon est transformé par la charité, le conduisant à percevoir la dignité de l’autre, que les pauvres sont découverts et valorisés dans leur immense dignité, respectés dans leur mode de vie et leur culture, et par conséquent vraiment intégrés dans la société»5
12. Le dialogue avec le Christ nous inspire des intentions droites, bonnes et constructives. Il nous donne un souffle nouveau pour entrer en dialogue avec les autres sans les juger malgré la différence d’opinion. Le dialogue avec Le Christ nous permet de recevoir la vie éternelle à l’image du bon larron (Lc 23, 39-43). Il nous permet d’accueillir le pardon de Dieu en vivant à notre tour «un dialogue bienveillant et en adoptant un comportement qui réconforte ceux qui sont blessés. Le pardon de Dieu permet de vivre une Pâque de fraternité aussi à travers nos paroles et nos gestes.»6
13. Frères et sœurs, pendant ce Carême, choisir à devenir les protagonistes du dialogue créateur et rédempteur et non nuisible et destructeur est l’unique condition de la sequela Christi et aussi un moyen de promouvoir un esprit de justice et de paix dans notre pays en quête de bien-être. Appliquons-nous alors à dire «des mots d’encouragements qui réconfortent, qui fortifient, qui consolent, qui stimulent» au lieu des «paroles qui humilient, qui attristent, qui irritent, qui dénigrent»7. Nous devons éviter de construire nos chemins spirituels dans des castes où les uns sont présentés comme des mauvais et d’autres des bons. Tous les congolais dans la richesse de leurs diversités sont enfants de Dieu. D’où l’urgence d’une conversion profonde aux valeurs nobles et évangéliques.
14. Chers frères et sœurs, tout au long de ce temps de Carême, nous serons invités à nous investir davantage dans le dialogue pour le bien suprême de notre salut et celui des autres. Daigne la Bienheureuse Marie, Mère du bon conseil, la Vierge en qui le Verbe s’est fait chair, nous aider à grandir dans le dialogue franc et sincère et à faire tout ce que son Fils nous dira, pour demeurer fidèles à sa parole. Alors nous serons vraiment ses disciples; nous le connaîtrons et t’aimerons de mieux en mieux comme la vérité qui nous rendra libre (Jn 8, 32).

Donné à Gamboma, le 22 février 2021

En la fête de la Chaire de Saint Pierre Apôtre Et date d’érection du diocèse de Gamboma

Notes:
1 Concile Vatican Il, Gaudium et Spes, n° 4
2 Pape François, Message pour le Carême 2021
3 Pape François. Journée Mondiale de la Paix Fr Janvier 2021, p 6.
4 Cf. Message de Carême 2018 de Monseigneur Urbain Ngassongo
5 Pape François, Encyclique Fratelli tutti, n°187
6 Pape François, Message pour le Carême 2021
7 Pape François, Encyclique Fratelli tutti, n°223