Ni les quatre ans passés depuis les dernières élections, ni la période de confinement que nous venons de subir ne semblent avoir prise sur nous. Oui, nous nous plaignons bien des gênes occasionnées par les masques contre la COVID-19, dénonçons l’inutilité du couvre-feu nocturne, donnant à voir l’impossibilité à maintenir une distanciation dans les marchés, les guichets et les quartiers.
Mais dans la réalité, l’impact profond que nous étions en droit d’attendre d’un tel chambardement du monde a du mal à se dessiner. Qui se soucie encore de laver ses mains à l’entrée d’une épicerie de quartier ou d’un service officiel? Et, d’ailleurs, quels sont les services qui veillent à mettre de l’eau même quand des seaux sont placés à leur entrée?
Dans la rue, il ne faut pas trop se forcer pour trouver des connaissances qui se serrent la main, se donnent l’accolade ou baissent la bavette pour se parler et rigoler à tire-larigot. Trouver des gens qui éternuent dans le creux du coude est une gageure. Dans les bus, à la morgue ou même à l’hôpital, voire chez le médecin, la règle est d’en faire le moins possible. Dans tous les cas, tant qu’on ne se voit pas rappeler à l’ordre, on fait chacun à son aise.
Tout se passe comme si nous ne reconnaissions l’existence et la virulence de la pandémie à coronavirus qu’à contre cœur. Par intermittence. Comme si nous avions à choisir entre les moments et les comportements de grand risque et le reste de la vie. C’est à dire là où nous avions laissé notre insouciance en mars, avant les premiers décès dus à la pandémie. Cela est vrai dans les familles, cela est vrai dans la rue. Mais cela est vrai aussi chez nos femmes et hommes politiques !
Très peu d’entre eux, en dehors des folkloriques et ludiques coudes-à-coudes pour se saluer en espiègles et de la distribution aux militants de masques qu’on manipule contre tout bon sens, démontrent que cette pandémie impacte les comportements et pourrait dessiner un avant et un après, pour les partis politiques, par exemple. Les formations, qui s’activent sans trop l’avouer, pour la présidentielle de l’an prochain, continuent de mouliner les ritournelles des débuts. Ils continuent de fonctionner autour de l’ethnie du leader ou du prépondérant. Malgré le constat patent et unanime, ils continuent d’affirmer que la démocratie adviendra demain avec eux. Ils ont eu de la peine pourtant à le concrétiser quand eux ou leurs alliés étaient au pouvoir.
Ils continuent de promettre pour demain la gouvernance qu’ils ne montrent pas aujourd’hui beaucoup de zèle à appliquer dans leurs rangs. Demain nous vivrons mieux, pourvu que le FMI nous verse de quoi respirer et ferme les yeux sur notre gestion; que la COVID-19 déserte le Congo et que le prix du baril de pétrole remonte. Or nous avons déjà vécu en période de générosité des donateurs et d’embellies des prix pétroliers.
Quant à la COVID-19, elle n’est entrée chez nous, c’est-à-dire dans un pays qui a 60 ans d’indépendance et de souveraineté, qu’en mars 2020. Qu’avons-nous fait avant, qui nous servirait de modèle après? Et qui pourrait être montré comme la marque de notre mutation à cause (grâce ?) à la pandémie ambiante?

Albert S. MIANZOUKOUTA