Vendredi 11 décembre dernier, la salle de conférence du Centre d’études et de recherches chrétiennes (CERC) située dans l’enceinte de La Semaine Africaine était archicomble des hommes et des femmes d’Eglise, de chercheurs, des évêques: Anatole Milandou (archevêque métropolitain de Brazzaville), Louis Portella Mbuyu (évêque émérite de Kinkala), Daniel Franck Nzika (évêque d’Impfondo), pour suivre la présentation de l’Encyclique du Pape François intitulé: «Fratelli Tutti», par Mgr Francisco Escalante Molina, nonce apostolique au Congo et au Gabon. Devant un parterre d’intervenants aux côtés du nonce apostolique, il y avait Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, archevêque coadjuteur de Brazzaville et la modération était assurée par l’abbé Armand Brice Ibombo, secrétaire général de la Conférence épiscopale du Congo (CEC).

Après «Lumen Fidei» qui est la première encyclique publiée le 29 juin 2013 en la solennité des Saints Pierre et Paul, «Laudato Si» publiée le 24 mai 2015, «Fratelli Tutti» est la troisième encyclique publiée le 3 octobre 2020 en sept ans de Papauté. Dans cette Encyclique qui compte 215 pages, le Pape François scrute l’horizon, jette un regard critique sur la situation du monde marquée par les injustices, les inégalités, la pauvreté, la maladie et les guerres. Mais le Pape ne désespère pas, il se fixe un objectif, celui de relever les défis de la fraternité humaine.
Mgr Francisco Escalante Molina a relevé l’importance de cette encyclique qui est en lien avec le Magistère de l’Eglise et qui est destinée aux hommes et aux femmes, homme de bonne volonté, au peuple de Dieu qui veulent comprendre la quintessence de cet ouvrage. Le Pape François nous demande de se libérer les uns les autres de la tentation des résultats, de la mondanité spirituelle et de vaine gloire. Ce qui est valable pour la politique, à mon avis, peut aussi s’appliquer à la sphère pastorale: «la politique est plus noble que l’apparition, le marketing, diverses formes de maquillage médiatique». Les dernières questions, en plus d’être un examen de conscience pour les politiciens, pourraient également travailler pour les pasteurs. La nouvelle Encyclique du Pape François mérite une attention particulière et un accueil favorable dans les cœurs de tous, car c’est un document de grande importance avec un contenu actuel, vu ce qui se passe et se vit dans ce monde actuel. Il nous faut dépasser ou bannir la culture de la globalisation de l’indifférence, pour cultiver la notion de la fraternité et de l’amitié sociale.
Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou a apprécié la qualité de cet ouvrage. L’implication pastorale ou théologie pastorale de «Fratelli Tutti» sur la fraternité et l’amitié sociale signée par le Pape François, le 3 octobre 2020, après avoir célébré la messe sur la tombe de Saint François d’Assise concerne la manière dont nous sommes appelés à nous occuper du monde comme le Christ s’est occupé du monde, en prêtant attention à la réalité plutôt que de l’éviter, et en priant pour la grâce de répondre comme Jésus le ferait. Le Pape évoque la Parabole du bon Samaritain, c’est une interpellation pour un retour aux sources. Un véritable plaidoyer dans un monde en proie à d’énormes défis: politique, économique, social, environnemental, cultuel. Voilà pourquoi le Pape a souhaité des catéchèses et des prédications qui parlent plus directement et plus clairement du sens social de l’existence, de la dimension fraternelle de la spiritualité, de notre conviction de la dignité inaliénable de chaque personne et de nos raisons d’aimer et d’accepter tous nos frères et sœurs. L’implication pastorale sera une réaffirmation avec force du principe traditionnel de l’enseignement social catholique: l’usage commun des biens créés, qui affirme que Dieu a donné la terre à l’ensemble du genre humain pour la subsistance de tous ses membres, sans exclure ni favoriser personne.
Le Professeur Marie Geneviève Maloumbi, maître de conférences CAMES de l’université Marien Ngouabi, en sa qualité de laïque engagée s’est exprimée en jetant un regard sur la fraternité et l’amitié sociale. Le contexte dans lequel nous vivons actuellement n’est pas aisé, c’est un monde tourmenté par tant de maux, de souffrance (pandémie à COVID-19, véritable tragédie mondiale), injustice sociale, tribalisme, racisme, abus de toutes sortes, violences contre les femmes, indifférence, isolement des personnes vulnérables et marginalisées, des exclus de la société. Dans nos familles, nos mouvements d’apostolat, cela implique de se surpasser, d’aller vers nos frères et sœurs en difficultés en grande souffrance, qui ont besoin d’aide et de solidarité fraternelle. Il existe dans nos églises en Afrique, des fraternités qui sont des mouvements de prières certes, mais qui développent des actions d’aide sociales importantes en intervenant activement en cas de maladies, décès ou autres événements des membres de la fraternité. C’est une culture qui doit commencer en familles par l’éducation de nos enfants à qui on doit apprendre dès le jeune âge à vivre en harmonie avec leur entourage, à leur inculquer des valeurs de paix, de respect de la différence, de la tolérance, bref à cultiver l’amour, leur faire comprendre que Dieu nous a tous créés avec le même amour, sans préférence aucune.
L’abbé Nazaire Mabandza, prêtre de l’archidiocèse de Brazzaville, a souligné que les implications théologiques de «Fratelli Tutti» pour la culture et la théologie africaine s’imposent d’elles-mêmes. La révélation biblique nous enseigne que la fraternité n’est pas une donnée naturelle, mais se construit. Vivre en frères est possible, c’est un chemin exigeant, où nous devons dépasser notre propre violence. Même au sein des familles de sang, il s’agit de s’adopter, de se choisir, afin d’établir un lien d’amitié. La rencontre et l’adhésion des peuples au Christ et à son Evangile, à travers le christianisme conduisent à la renaissance culturelle et identitaire. Cette rencontre consiste non seulement à donner une place de choix au Christ dans les cultures, afin qu’il ne demeure pas un élément étranger, mais aussi à le laisser purifier, féconder et porter ces cultures à leur assomption. Ainsi, les valeurs traditionnelles africaines assumées par le Christ deviennent des valeurs chrétiennes. En terre africaine, avec la publication de «Fratelli Tutti»: l’Afrique fratricide post-colonial doit céder la place à l’Afrique fraternelle primordiale. Et, des forêts jusqu’à la savane, des savanes jusqu’à la mer, le djembe, le balafon ou tout simplement le tam-tam doit colporter la nouvelle de la fraternité et de l’amitié sociale, «Fratelli Tutti».
Le père Jacques Fédry, prêtre Jésuite a parlé des implications pour la vie spirituelle. L’encyclique du Pape s’apparente à l’histoire du bon Samaritain qui est un texte qui est toujours actuelle, avec les mêmes catégories d’acteurs: le blessé sur la route (tous les exclus de notre monde), les brigands (ceux qui profitent en dépouillant les autres), les voyageurs qui passent sans arrêter (les indifférences à la souffrance des autres), le Samaritain qui se fait le prochain de l’homme blessé. Le Pape nous invite à prendre position. Le modèle du bon Samaritain nous invite à raviver notre volonté de citoyens de nos pays respectifs et du monde entier. La parabole nous montre par quelles initiatives une communauté peut être reconstruite grâce à des hommes et des femmes qui s’approprient la fragilité des autres qui ne permettent pas qu’émerge une société d’exclusion, mais qui se font proches et relèvent, puis réhabilitent celui qui est à terre, pour que le bien soit commun. En tout cas, il invite les hommes et femmes de bonne volonté à méditer la prière de Saint François d’Assise qui est la source d’inspiration du Saint-Père qui lui a permis de rédiger cette encyclique.
En conclusion, l’abbé Brice Armand Ibombo, après la séance de questions-réponses a recommandé aux uns et aux autres de se l’approprier.

Pascal BIOZI KIMINOU