Deux associés se sont unis pour créer la Coopérative de production d’aliment et de poissons d’élevage (CODAPE). Il s’agit de Belvere Nakavoua, ingénieur en sciences biologiques, spécialiste en aquaculture, vice-président de la coopérative et Guy Florent Banimba, technicien piscicole et président de la CODAPE. Belvere Nakavoua parle de la création de leur Coopérative. L’ingénieur envisage de lancer une production qui va redonner espoir aux retraités et aux jeunes en quête d’emploi.

*D’où vient la motivation de la CODAPE?
** Nous sommes deux associés dans cette ferme que nous avons créée. Nous faisons la promotion de l’approche piscicole que nous sommes entrain d’innover. Nous nous sommes connus en 2008, pendant que j’étais au ministère de l’Agriculture. Je fréquentais la station piscicole de Dzoumouna (à quelques km au sud de Brazzaville). Après que j’étais nommé à la station, nous avons renforcé notre collaboration en échangeant sur les thématiques liées à notre travail. Les voyages que nous avons effectués à l’étranger nous ont beaucoup édifiés et nous sommes arrivés à un moment où nous nous sommes dits de mettre en œuvre ce que nous avons vu chez les autres en conjuguant nos efforts. Nous avons commencé chez moi, à Kinsoundi (1er arrondissement Makélékélé) sur un petit dispositif. Avec tout ce qu’on a gagné, nous avons pu mettre en valeur cette parcelle de Mafouta (8e arrondissement Madibou) appartenant au président Guy Florent Banimba. Cela fait 12 ans que je suis dans la pisciculture. J’ai commencé à pratiquer certaines approches piscicoles à la fin de mes études, en 1998, lorsque j’étais au Burkina Faso. J’ai enseigné à l’Ecole nationale des eaux et forêts. Un de la promotion devenu chef du centre de promotion de la pisciculture de Burkina m’avait invité. A partir de là, j’ai pris goût et j’ai quitté ma biochimie du pétrole ou de la biochimie cosmétique pour la pisciculture.

*Sur quelle étendue réalisez-vous votre activité?
**Nous sommes sur une parcelle de 400m2. Nous avons pu bâtir des dispositifs, les bacs hors sols. C’est une approche piscicole qui nous permet de réaliser en milieu urbain une pisciculture où chacun, sur une superficie de terre donnée peut produire son poisson.

*Quelles espèces de poisson élevez-vous?
Nous avons deux types d’espèces: le tilapia ou le tikka (Carpe) et les clarias (Ngolo). On a trois types declarias: «Mbumi», «Senga», «Mabongo». Nous sommes en train de faire la promotion de ces poissons.

*Quel est le circuit de commercialisation de vos produits piscicoles ? Les Congolais s’y intéressent-ils?
**Nous sommes dans un pays où le poisson coûte cher. P-eu de familles n’ont pas de moyens pour acheter le poisson d’eau douce. Nous commercialisons notre poisson. Le kilo de «Ngolo» est vendu à 3000 FCFA et celui de tilapia à 2500 FCFA. Nous sommes dans une phase de production intensive des semences ou des alevins pour amener le poisson sur le marché à un prix accessible. L’objectif est de descendre le prix du «Ngolo» à 2000 FCFA et celui du tilapia à 1500 FCFA. Notre vision est de valoriser des intrants locaux qui nous permettent de formuler un aliment adapté qui réponde aux besoins nutritifs de ces poissons. Nous sommes en train de développer des filières qui peuvent nous permettre d’acquérir ces intrants à des coûts accessibles et à la fin, avoir un coût de production du kilo d’aliment à bas prix. Bon nombre de Congolais s’approvisionnent dans ce centre.

*Quelles sont vos sources de financement ?
**Le système bancaire au Congo va mal. Le secteur agricole est peu financé. A la différence de ce qu’on vit en Afrique de l’ouest, nous avons des difficultés pour obtenir un prêt. Connaissant le terrain et les déficits accrus en semences piscicoles et aliment de poisson, nous allons lentement. Avec ce qu’on produit, nous vendons, nous gagnons et nous investissons. Pendant longtemps, ce secteur a été abandonné. Or, c’est un secteur très porteur. Je ne vois aucun secteur d’élevage qui puisse dépasser la pisciculture en termes de rentabilité.

*Parlez-nous des difficultés que vous rencontrez au quotidien.
**Pour que tout secteur d’élevage se développe, il faudrait qu’on ait une production végétale correcte. Notre agriculture est encore embryonnaire. Pour élever, il faut qu’il y ait de la nourriture. L’agriculture de subsistance n’arrive pas à nourrir la population, combien de fois l’élevage! Nous devons développer certaines approches qui peuvent nous conduire à étendre les filières de production d’intrants qui vont aller dans la formulation d’aliment des sujets d’élevage afin de produire plus. Au centre, nous allons intégrer certaines spéculations à partir de la valorisation des eaux piscicoles des variantes productions végétales, qui peuvent nous permettre de produire du légume bio.

*Travaillez-vous avec les autres partenaires, par exemple le centre piscicole de Dzoumouna et le ministère de l’Agriculture?
**Ce qu’on est entrain de faire est innovant. La station de Dzoumouna qui est le premier centre piscicole des pays de l’AEF (Afrique équatoriale française) a pris du retard. Le secteur a été délaissé par manque de cadres compétents qui peuvent s’adapter au nouveau contexte et aux nouvelles technologies. Il y a une grande différence entre Dzoumouna et notre centre. N’empêche que nous, privés évoluant dans cette activité aidons l’Etat à mieux structurer le secteur. Le centre n’est pas encore connu par le ministère de l’Agriculture. Nous posons d’abord des bases et nous allons commencer à nous faire connaître à travers la Semaine Africaine. Nous ne cessons d’appuyer certains privés au niveau national dans la modernisation de leur structure d’élevage.

*Est-ce que votre centre est ouvert aux jeunes et aux étudiants pour leurs recherches?
**Dans notre vision, nous sommes entrain de vouloir lancer une production qui va redonner espoir à beaucoup de gens, premièrement aux retraités. A Brazzaville, sur 100 retraités, il y en a 80 qui vivent chez eux; comment leur donner espoir surtout avec des pensions qui ne passent presque pas? C’est en créant un actif de production, en les emmenant dans un schéma d’installation d’un petit bac hors sol. On leur apporte la semence piscicole et de l’aliment, ils nourrissent le poisson, après son évolution, ils vendent. Grâce à cette production, les retraités peuvent nourrir leur famille. Nous allons aussi intéresser les jeunes dès que nous aurons des moyens. Notre vision, c’est aussi d’étendre le centre en insérant une salle de formation. Des formations, certes, à la carte. Aujourd’hui des promoteurs veulent se lancer dans le secteur, mais il n’y a pas la ressource humaine de qualité qui peut faire la survie des élevages. L’intégration dans ce secteur n’est pas difficile; il suffit de canaliser les jeunes, leur donner les éléments fondamentaux.

Propos recueillis par
Aybienevie
N’KOUKA-KOUDISSA