Les pluies ont repris. L’accalmie de fin janvier a été brève. La petite saison sèche de février ne s’est pas manifestée vraiment. Pour qui a encore des doutes sur la réalité des effets néfastes du changement climatique, il a la preuve de sa manifestation, à Brazzaville et à Pointe-Noire surtout. Le ciel s’embrouille, les nuages ne sont plus où ils devraient être, les pluies sont plus furieuses et persistantes, les rivières sont moins dociles et les crues plus cruelles, précisément.
Le climat se dérègle et cause les dégâts que nous voyons chez les cigales que nous sommes. Nous y avons perdu un premier viaduc, combinaison d’une légèreté dans les responsabilisations et d’un manque de sérieux dans la conception et le contrôle. Les inspections ont noté que les eaux en sont la cause (cela se voyait); les expertises nationales ont promis une reconstruction rapide. Avec, cerise sur le gâteau, une surveillance accrue (donc elle n’était pas prévue).
Mais l’effondrement du joyau national du bord du fleuve devrait nous donner à réfléchir. Car si les autres ouvrages ont été bâtis dans le même esprit qui a produit le résultat du 8 janvier, c’est que d’autres corniches affalées en bordure du Congo, fleuve ou pays, pourront suivre. Et comme les pluies continuent de tomber drue, il faudra bien que des responsabilités soient plus vigoureusement réparties. La cause peut être une, mais les responsables nombreux.
La tentation est grande de tout rejeter sur les politiques. Il est vrai qu’ils ne peuvent se défausser sur les seuls Chinois. L’ouvrage avait été réceptionné à titre provisoire. Certes nous sommes dans le pays où le provisoire peut durer 100 ans, mais en 100 ans des pluies irrévérencieuses peuvent transformer un beau viaduc en un amas de ferrailles. Et dans tous les cas, il ne faudra pas attendre 100 ans pour tirer les leçons de notre orgueil national blessé.
Les politiques ont leurs responsabilités, certes, mais le citoyen ne peut pas se défiler comme à l’accoutumée en lançant: «Ils ont volé tout l’argent, qu’ils s’arrangent à nous réparer cela!». Dans la catastrophe du viaduc que nous avons vue se produire sous nos yeux, il a été question aussi du retour trop rapide des maraichers sur les flancs de l’ouvrage. Ce sont nos pères et nos mères; ils ne peuvent continuer à invoquer le manque d’espace et le besoin de s’occuper faute d’emplois salariés pour grignoter des bords de route.
Il faut relancer l’agriculture, laisser de l’espace aux ruraux pour la pratiquer en périphérie, lui laisser reprendre la place qu’elle n’aurait pas dû céder aux importations hormonées et ogéméisées de maintenant. Il ne faut pas non plus hésiter à rappeler que gratter la terre à n’importe quel endroit a des conséquences sur l’environnement. Il y faut de la pédagogie; il y faut de la justice. Surtout de la justice: car elle est la première à être foulée aux pieds par les éternels «tu sais qui je suis?».

Albert S. MIANZOUKOUTA