Ce premier dimanche de l’Avent, nous commençons la longue et décisive marche vers la célébration et l’intériorisation du mystère du Christ, notre Seigneur et notre Dieu. Marche qui exige qu’on jette tout d’abord un regard sur nos bagages pour savoir si nous avons pris l’essentiel. Pour un long voyage, c’est nécessaire et important. Mais en même temps, il faut veiller à ce qu’ils ne soient pas trop encombrants pour pouvoir laisser de côté ce qui ne nous servira pas. Mais ce voyage se déroule dans un contexte socio-politique très trouble, un contexte de questionnement et de désespérance où la (non) signature des accords avec le FMI pour notre pays nous plonge encore dans les doutes et augure des lendemains difficiles sur le plan économique sans oublier des conséquences économiques et sociales de la pandémie de la COVID-19. Ne parlons pas des délestages et de la pénurie chronique du carburant dans un pays pétrolier sans aucun mot d’explication de nos autorités.
L’annonce de la venue du Seigneur pour nous fait écho à cette supplication de la prière d’Isaïe dans la première lecture: «Reviens, Seigneur, pour l’amour de tes serviteurs». Cette supplication est celle d’un peuple humilié, écrasé, dispersé, ces noirs d’Afrique en quête d’un avenir meilleur pour leur famille, mais très souvent chosifiés et violentés tant chez eux que dans certains pays d’accueil en Afrique ou ailleurs, dans l’indifférence totale; ces peuples dont l’avenir est incertain, sans visibilité à cause en grande partie de la méchanceté et de la mauvaise foi d’un groupuscule d’hommes et de femmes qui tient en main les destinées de millions de personnes. Mais quand tout semble désespéré, il y a toujours des hommes et des femmes pour rallumer le feu de l’espérance. C’est important pour nous qui vivons dans ce monde où le désespoir est plus mortel que jamais.
L’objet de ce voyage, c’est justement la rencontre avec Dieu qui s’incarne dans l’histoire des hommes. C’est la Noël. C’est lui qui est notre espérance. Mais cela exige un temps de préparation, d’attente. C’est l’Avent (mot latin «adventum», qui signifie «avènement», «arrivée»). Jésus parle de sa venue, de son avènement comme un événement qui va arriver. Mais l’arrivée du Fils de Dieu peut ressembler à ce qui s’est passé à l’époque de Noé. Pour Jésus nous sommes toujours aux jours de Noé. Et sa description de ce qui occupe les gens est le portrait exact de notre société contemporaine: travailler, se nourrir, se marier, faire la fête. Rien de mal. Jésus ne les charge pas. Ce sont des hommes et des femmes qui respirent la joie de vivre. Mais quel est leur tort? Le fait de «ne pas se douter de rien», de «ne pas se soucier de l’essentiel, de «ne pas avoir une perception juste du réel». Ils ont l’air de se croire immortels en se bouchant les yeux sur leur condition humaine surtout s’ils possèdent des moyens matériels importants comme l’argent.
Quand on en a, et surtout quand on en a beaucoup, nous donne la possibilité de faire ce que nous voulons, d’avoir ce que nous voulons, de se distinguer des autres, et même d’avoir du pouvoir sur les autres. Là, ceux qui ont de l’argent, qui sont à l’abri du besoin, courent deux gros risques: le premier est de mettre notre sécurité dans cet outil puissant qui nous donne un certain pouvoir sur les choses et les gens; alors que Dieu seul doit être notre sécurité comme nous rappelle Isaïe. Le second risque est que voyant tout le pouvoir que nous donne l’argent, on finit par se prendre pour un dieu. Dans l’Evangile, Jésus insiste très fortement sur cet appel à rester éveillés et vigilants. Très souvent nous voyons dans ce texte une exhortation à attendre dans la crainte le jour du jugement. Ce qui intéresse Jésus, ce n’est pas le jugement dernier et la fin du monde, mais bien notre comportement de tous les jours. C’est aujourd’hui que le Christ nous invite à une vigilance active et constante. De cette vigilance dépend la qualité de vie de notre famille, de notre Eglise et de notre monde. Dieu nous fait confiance et il compte sur nous. Il nous faut être vigilants et bien utiliser le temps qui nous est accordé. Il nous faut profiter du moment présent pour rendre notre monde plus humain, plus beau, plus «vivable». Veiller, être prêts !
Si aujourd’hui nous avions à rencontrer notre créateur, serions-nous prêts? C’est la question que nous pose l’Avent… non pas pour nous effrayer mais pour nous inviter à utiliser de façon responsable le temps qui nous est donné. On dit souvent que la religion est l’opium du peuple, qu’elle nous empêche de vivre le moment présent, en attendant le ciel, en attendant la mort. C’est tout le contraire! Le christianisme nous invite à être vigilants et actifs maintenant, chaque jour. C’est le sens de l’Avent pour accueillir le Sauveur qui veut naître en nous.

Saturnin Cloud BITEMO, SJ