L’an dernier, le président du Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC), Philippe Mvouo, a réuni dans la salle de conférences internationales du Palais des congrès, les acteurs politiques de la majorité, de l’opposition et de la société civile. Il avait attiré leur attention sur ce qui apparaît à ses yeux comme le lancement anticipé à Brazzaville et à Pointe-Noire d’une campagne électorale déguisée par médias interposés. La campagne électorale pour les présidentielles de 2021 n’est pas encore ouverte.

Alors, Philippe Mvouo avait insisté sur le contenu correct des messages à diffuser. «Si c’est le contraire qui se produit, le Conseil est obligé d’attirer l’attention, pour rappeler l’essentiel de ce qui doit être dit et comment il doit être dit», rappelait-il.
Mais campagne pourquoi? S’était-il interrogé, tout en épinglant les acteurs politiques qui, selon lui, portent plusieurs masques.
Philippe Mvouo leur demandait de respecter les règles établies. Il rappelait la loi sur le pluralisme audiovisuel qui cadre les conditions de campagne. «Il y a trois étapes à respecter: la période hors électorale où rien ne doit se faire; la période pré-électorale et la période électorale», avait-il dit.
Pour lui, s’il faut laisser les choses telles qu’elles se font, le désordre risque de s’installer dans les milieux politiques. Or, «les garants de la stabilité, ce sont les hommes politiques eux-mêmes», a insistait Philippe Mvouo.
Par la façon d’agir des acteurs politiques, c’est comme si la campagne électorale n’est pas encore finie, déplorait le président du CSLC. Constat encore d’actualité aujourd’hui. La ville est pavoisée de banderoles qui dégradent même sa beauté. Il y a des effigies de députés, sénateurs ou conseillers sur des banderoles avec un message qui souhaite la bonne fête de Noël ou de fin d’année. Les effigies doivent être affichées pendant la campagne. Ils continuent à attirer la sympathie des militants qui les ont déjà élus.
Philippe Mvouo avait aussi attiré l’attention des acteurs politiques pour leur rappeler qu’ils ne sont pas que les garants de la démocratie. «Les contenus de vos discours politiques en cette période ne rassurent pas. Nous n’avons aucun pouvoir d’interdire. De grâce, votre discours ne doit pas être celui d’une campagne», avait-il imploré.
Sur le terrain, le constat est tout autre. Certains partis politiques ont pris la parole lors du 5e congrès ordinaire du PCT pour marquer leur soutien à la candidature du président de la République, y compris le PCT lui-même qui s’est mis en rang de bataille. «Fort de la réussite du cinquième congrès ordinaire, du vibrant et émouvant message du comité central aux congressistes, les membres du PCT, en synergie avec leurs alliés, doivent dès maintenant se mettre en ordre de bataille en vue d’affronter victorieusement la grande compétition de 2021. Les actions multidimensionnelles de terrain constituent donc une ardente obligation dès l’entame de la nouvelle année. Le cinquième congrès a vécu, de grands chantiers nous attendent», avait déclaré Pierre Moussa, nouveau secrétaire général du PCT.
Il a réitéré cet appel le 21 janvier 2020 lors de la cérémonie de vœux au PCT. «L’épreuve la plus imminente est l’élection présidentielle de 2021 que le PCT doit gagner de la manière la plus nette et la plus éclatante. A l’occasion de son dernier congrès, le PCT a pris la résolution de demander au camarade Denis Sassou-Nguesso de faire acte de candidature à cette élection majeure. Nous devons donc dès à présent nous mettre en ordre de bataille pour garantir à notre candidat une brillante victoire. Il s’agit là, vous vous en douter, d’un autre challenge d’envergure».
Le secrétaire général du PCT, Pierre Moussa, a aussi invité les cadres et militants de cette formation politique à participer à la mobilisation des ressources qui devront permettre au parti d’atteindre ses objectifs parmi lesquels l’élection présidentielle de 2021.
Bien avant, une frange de députés du PCT avait organisé dans les départements les marches de soutien à la candidature du président Denis Sassou-Nguesso. Des marches qui vont à l’encontre de la loi sur le pluralisme audiovisuel qui encadre les conditions de campagne.
De son côté, le président de l’UDH-YUKI, Guy Brice Parfait Kolélas, a, au cours d’une conférence de presse organisée à Brazzaville, annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2021. Il a répété cette annonce le 18 janvier dernier lors de la rentrée politique de son parti au palais des congrès. «Je suis candidat à la candidature à l’élection présidentielle de 2021». A cette occasion, un fonds de soutien à sa candidature a été lancé.
Le journaliste Hervé Brice Tongo Cyridina a également annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2021. Pourtant, la période électorale n’est pas encore ouverte. Le CSCL ne doit-il pas se saisir de ce dossier pour rappeler les uns et les autres à l’ordre? Cette démission ne serait-elle pas l’une de ses faiblesses majeures à canaliser le champs politique dès qu’il s’agit du PCT?
D’ailleurs, le président du CSCL avait, au cours de cette rencontre, promis de rencontrer les préfets et les maires de Brazzaville et Pointe-Noire, parce que, disait-il, ce sont eux qui donnent les autorisations d’affichage.
Le président par intérim sortant de la majorité présidentielle, Pierre Ngolo, prenait acte de l’interpellation. «Le constat que vous avez fait est vrai. Il concerne toute la classe politique. Ces pratiques sont mauvaises».
Malgré tout, rien n’a changé sur le terrain. Les mêmes pratiques continuent. On dirait qu’on est déjà en campagne.

KAUD