La séance des questions orales au Gouvernement organisée à l’Assemblée nationale le jeudi 8 août dernier a tenu en haleine les téléspectateurs, notamment le problème de la cession des terres au Rwanda, soulevé par Claudine Munari. Les travaux ont été présidés par Isidore Mvouba, son président.
Huit députés ont posé des questions à six membres du Gouvernement. Dès l’entame de la séance, la députée Claudine Munari a fait entendre sa voix, en condamnant le retrait de sa question du rôle. «C’est grave, le problème des terres», a-t-elle dit.
Fernand Sabaye, premier secrétaire de l’Assemblée nationale, a justifié cette démarche en indiquant que cette question avait été suffisamment débattue à l’hémicycle. «Nous avons les limites du temps et la mission d’harmoniser. On ne peut pas revenir à chaque fois sur les mêmes questions», a-t-il soutenu.

«Si je repose la question, c’est parce qu’il n’y a pas eu de réponse à ça, on élude. Qu’est-ce que vous voulez nous cacher?. Même s’il faut poser la question dix fois, il faut s’écouter. Ne faites pas comme si vous aviez réponse à tout et que le pays appartient à vous seuls. Pourquoi vous avez peur de ma question? Laissez-moi la poser», a répliqué Claudine Munari.
«Il n’y a rien à cacher», a répondu Isidore Mvouba. «Mais si. Le problème est qu’il y a un discours à Brazzaville et un autre sur les terres au Rwanda. Qui ment? Si nous devons de l’argent au Rwanda, remboursons-le. L’ambassadeur du Rwanda parle d’acquisition; la télévision rwandaise fait état d’un don de 980 km² de terres en République du Congo; au pays, on parle d’autorisation expresse d’occupation et de baux emphytéotique. Qui dit la vérité là-dedans? Mettons le poisson sur la table et recherchons les arêtes pour sortir ce qui est dangereux pour notre pays», rétorque la députée de Mouyondzi.
«La vérité est toute simple, on a cédé des terres à personne», affirme Isidore Mvouba.
«C’est vous qui le dite. Ce n’est pas ce que dit le Rwanda», insiste Claudine Munari.
Après ces échauffourées, le président de l’Assemblée nationale a ordonné de façon exceptionnelle à Mme Munari de poser sa question. «Il ne faut pas en faire un mystère», a-t-il déclaré.

«Merci Mr le président», s’est réjouie la députée de l’opposition, rassurée de pouvoir poser sa question qui a suscité un débat contradictoire entre elle et le Premier ministre.
Le député Blaise Ambéto a interrogé le Premier ministre sur l’impact de l’augmentation des prix du carburant.
Louis Gabriel Missatou a parlé du non reversement des budgets de transfert, notamment dans les hôpitaux, l’université, les collectivités locales, les institutions, les retraités et les étudiants: «Quelle est la situation réelle de trésorerie du pays? Qu’en est-il de la création d’un sous-compte dans les livres de la BEAC?».
Les dysfonctionnements constatés dans la chaîne judiciaire, ainsi que les récentes évasions des détenus dans les commissariats qui soulèvent les questions urgentes de sécurité et de gestion des établissements pénitentiaires, ont constitué la quintessence des préoccupations du député Antoine Bien-Aimé Ondon.
Faisant le constat que la gouvernance administrative congolaise présente des faiblesses de nature à entamer la crédibilité des institutions, le député Juste Bernardin Gavet s’est interrogé sur l’efficacité de la ‘’douzième bataille’’ et les dispositions prises par le Gouvernement pour restaurer l’autorité de l’Etat.
Répondant à toutes ces préoccupations, le Premier ministre a dit que les gains financiers découlant de la hausse des prix à la pompe des produits pétroliers ont servi en grande partie au financement des dépenses sociales.
Il a rassuré le député de Lumumba que le sous-compte dans les livres de la Banque des Etats de l’Afrique centrale avait déjà été ouvert et que les collectivités locales devraient être les bénéficiaires des dividendes qui proviendront de l’augmentation des prix du carburant au travers de la TVA.
S’agissant de la gouvernance administrative, le Premier ministre a rappelé que les nominations aux hautes fonctions civiles se font conformément aux textes en vigueur. Cependant, «les manquements constatés dans la mise en œuvre de ces textes ne sauraient constituer une pratique généralisée. «Tous les actes pris en dehors de ce cadre normatif rentrent dans ce qu’on appelle les actes administratifs irréguliers», a-t-il indiqué.
Il a invité les cadres victimes de ces violations flagrantes de la loi à user des voies de recours disponibles.
Pour lui, la divulgation systématique des documents administratifs sur les réseaux sociaux reste interdite. «Cette pratique est condamnable», a-t-il averti.
Sur la question des terres, Anatole Collinet Makosso a simplement dit que le Gouvernement n’a rien à cacher. Il a remis à la députée et au président de l’Assemblée nationale, deux bottins comportant les documents et les éléments de langage qui permettent de mieux comprendre, selon lui, la situation.
Quant au conflit hommes et pachydermes qui envahissent et dévastent les plantations dans le district de Bambama, la ministre Rosalie Matondo a dit que le Gouvernement ne cesse de s’impliquer et de réfléchir aux solutions idoines qui permettraient de soulager les populations: «Plusieurs solutions sont proposées qui, malheureusement, sont encore embryonnaires et non efficaces pour nous satisfaire. Nous travaillons actuellement avec les services techniques habilités pour proposer des mécanismes de compensation efficaces, afin de soutenir les familles affectées», a-t-elle dit.
S’agissant des attestations de stage qui devraient être subordonnées à la participation des candidats aux examens d’Etat, le ministre Thierry Ghislain Maguessa Ebomé a apporté des éclaircissements. «Nous n’avons pas demandé à un seul élève de trouver un lieu de stage. Cela est de la responsabilité du Gouvernement», a-t-il précisé.
Il a indiqué que ces stages sont, néanmoins, obligatoires «puisqu’ils participent de l’évaluation et ne sont pas la condition d’inscription à l’examen, mais une partie de l’examen qui se fait avant les épreuves écrites», a déclaré le ministre.
Dans les répliques, Mme Claudine Munari a rappelé au Premier ministre que gouverner, c’est prévoir. «Si nous avons pris de l’argent au Rwanda, remboursons-le avec les intérêts, mais pas en cédant nos terres pour l’amour du Congo et des générations futures», a-t-elle insisté.
Pascal Tsaty-Mabiala, chef de file de l’opposition, s’est réjoui du fait que le président de l’Assemblée nationale a fait éviter un incident qui, selon lui, «aurait pu avoir un véritable désastre dans l’opinion, de ce qu’on dit déjà de notre institution, si Mme Munari n’avait pas pris la parole parce que vous la lui auriez refusée», a-t-il souligné.
Reprenant la parole, le Premier ministre a réaffirmé l’autorisation expresse d’occupation de ces terres par des Rwandais.
Cyr Armel YABBAT-NGO