Les noms des gouverneurs militaires du Nord-Kivu et de l’Ituri sont enfin connus. Il s’agit du général Luboya Nkashama, et du général Constant Ndima Kongba. Ils ont pris leurs fonctions jeudi 6 mai, date du début de l’Etat de siège décrété par le président Antoine Félix Tshisekedi.

Le chef de l’Etat a décidé de faire confiance à deux anciens rebelles pour diriger pendant un mois ces deux provinces meurtries par des massacres.
Le gouverneur militaire du Nord-Kivu, général Luboya Nkashama, est un ancien patron de la première zone de défense, qui inclut, entre autres, Kinshasa. Il a été également le commandant de la 13e région militaire de l’Equateur. Cet officier, originaire de l’espace Kasaï, est un ancien de la rébellion du RCD Goma, proche du Rwanda, qui a un temps administré cette province, ce qui est d’ores et déjà dénoncé par certaines organisations de la société civile. Le général Luboya Nkashama est, comme prévu, secondé par un officier de police: le commissaire divisionnaire Alonga Boni Benjamin.
En Ituri, c’est un ancien rebelle aussi qui est nommé, mais il est issu de la rébellion du MLC de l’ancien vice-président et allié de Félix Tshisekedi, Jean-Pierre Bemba, considéré comme proche de l’Ouganda. Le général Constant Ndima Kongba a été commandant de la 3e zone de défense, qui couvre les deux Kivu, le Maniema et la Tshopo. Il était jusque-là, chef d’état-major général adjoint chargé de l’administration et de la logistique. Son vice-gouverneur est le commissaire divisionnaire Ekuka Lipopo, il a notamment assuré la coordination du groupe technique pour la sécurisation des élections.
Le nouveau ministre de la Communication, Patrick Muyaya, a rassuré sur le respect des lois et des droits fondamentaux, le droit à la vie, à la liberté de penser. Le porte-parole de la police, le colonel Mwanamputu a, lui, insisté sur le caractère transitoire de ces mesures et sur l’évaluation qui sera faite à l’issue des 30 premiers jours par le Parlement qui doit décider ou non de l’opportunité d’un renouvellement.
A la question de savoir, au vu de la faiblesse des effectifs et des moyens et de l’ampleur des tâches à accomplir, dans quelle mesure ces autorités issues de l’armée et de la police seront capables de gérer les problèmes du quotidien, le porte-parole du gouvernement a reconnu qu’il pourrait y avoir des perturbations, mais il a insisté sur le caractère exceptionnel de ces mesures et sur l’enjeu: restaurer la paix.
La population a trop souffert, estime Jean Bamanisa, le gouverneur civil de l’Ituri écarté pour laisser place à l’administration militaire. «Nous avons eu plus de 1,6 million de personnes déplacées, plus de 250 000 personnes dans les camps de réfugiés et des groupes armés qui occupent des espaces» et imposent leur loi, rappelle Jean Bamanisa.
Pour David Ung’Yertho, un notable de l’Ituri, les craintes portent sur le comportement des militaires. «Tous ces militaires et ces officiers étaient dans des bandes criminelles… que l’on suspecte d’avoir eu des contacts avec les pays voisins. Il fallait d’abord commencer par identifier et extraire les infiltrés», regrette David Ung’Yertho. Une autre frange de la population pense qu’il s’agit des fondements de la balkanisation du pays.
Côté Lamuka, Martin Fayulu et Adolphe Muzito espèrent, pour leur part, que l’état de siège n’est pas une «manœuvre politique pour museler les citoyens congolais et accueillir massivement des populations étrangères dans la partie Est de la RDC».

Gaule D’AMBERT