La troisième lettre encyclique du Pape François, signée le 3 octobre 2020, la veille de la fête du ‘’Poverello’’, portant sur la fraternité et l’amitié sociale, vient compléter un trio de ses écrits majeurs inspirés de la spiritualité de François d’Assise, après «La joie de l’Evangile» et «Laudato Si’». En effet, dans un monde où les antivaleurs semblent l’emporter sur les valeurs universelles, le 1er pape jésuite venu du bout du monde se fait «pionnier» et porte étendard pour nous rappeler ce qui lui tient à cœur: la Fraternité. Conscient du fait que la Fraternité soit avant tout un concept générique, nous avions pensé réfléchir en tant que «religieux» en partant d’une observation récente sur nos «lieux» de Fraternité, qui semble avoir «perdu» quelque peu leur convivialité pour mieux les revaloriser.

1. La Sainte Messe
Loin de vouloir rappeler ici les fondements théologiques et tout ce que les pères de l’Eglise nous ont légué comme richesse immense et inestimable sur l’Eucharistie, l’on ne pourrait comprendre aujourd’hui que certains de nos confrères aient du mal à concélébrer ensemble parce que «ce n’est pas ma semaine de dire la messe» se justifient certains.
En séjour dans la paroisse Christ-Roi de Loandjili à Pointe-Noire en juillet 2017, l’abbé Alain Loemba Makosso, curé et vicaire général du diocèse m’interpella en disant: «Dis quand même à ton aîné du diocèse de venir concélébrer avec ses frères!». Pire encore, lorsqu’on impose une intention de messe au groupe liturgique du jour et/ou une deuxième quête spéciale à la messe en semaine pour des prétendus travaux en paroisse. A ceux qui ont pris l’orientation de transformer les célébrations eucharistiques en lieu de commerce et kermesse, la Parole du Seigneur demeure actuelle: «Ne faites pas de la maison de mon Père, une maison de trafic» (Jn 2, 16).

2. Nos repas
Dans le monde religieux, il se dit souvent: «Après l’office divin, l’office du vin»; un modus vivendi qui devrait effectivement dire toute notre joie (Cf. François, «la joie de l’Evangile») de vivre notre Fraternité sacerdotale après la liturgie eucharistique, surtout le dimanche.
En effet, comme il est dit également dans la culture Vaudoise: «Le vin, tel qu’on le vit et le boit dans le canton de Vaud, constitue un élément fort de tissu social, économique social et culturel …qu’on le célèbre en chantant à la Fête ou en le dégustant entre amis, il crée cette alchimie unique entre labeur, désir, plaisir et allégresse». Or même ici, rares sont les équipes presbytérales à vivre cette joie ensemble à table. Puisque le curé décide seul de l’organisation de la table (personne ne mange si le curé n’est pas là), des invités (prévus ou imprévus), occasionnant ipso facto des frustrations au sein de la communauté.
Ce faisant, nous contribuons averti le Pape François à la destruction de l’estime de l’autre (Cf. «Fratelli tutti», n°52). D’où l’engouement ou des excuses de la part de certains jeunes confrères d’aller passer midi ailleurs. Aurions-nous oublié que c’est au cours de son dernier repas que le Christ avait institué pour nous l’Eucharistie? (Cf. 1 Cor 11, 17-34). La table devrait donc être pour nous, pour emprunter l’expression à un évêque au cours d’un repas partagé au Grand séminaire de théologie Cardinal Emile Biayenda «notre coin du sourire».

3. Retraites et sessions de formation
S’il y a une occasion importante à laquelle tout clerc ne devrait s’abstenir, c’est bien celle de la retraite; puisque considérée comme un moyen et/ou lieu de son ressourcement spirituel après avoir ‘’emmagasiné’’ la fatigue durant les préparatifs des temps liturgiques importants comme Noël et Pâques.
Les sessions de formation quand à elles (début ou fin d’année pastorale) sont également des lieux de rencontre et de fraternité pour s’informer des orientations pastorales, évaluer et faire entendre sa voix par des critiques constructives ou encore comme le rappelle le Saint-Père, pour «rechercher la vérité ensemble dans le dialogue, dans une conversation sereine ou dans une discussion passionnée». C’est la condition sine qua non, pour qu’«un chemin de fraternité local et universel soit parcouru», poursuit le pape, «par des esprits libres et prêts pour de vraies rencontres» («Fratelli tutti», n°50). Ici également la participation est loin d’être unanimement appréciable au regard des effectifs engagés dans les paroisses. Puisqu’on y trouve souvent plus des fideles laïcs et moins de prêtres. Un désintéressement qui ne devrait pas laisser dormir en paix l’ordinaire du lieu.
En conclusion à cette modeste réflexion qui nous a permis de nous interroger sur nos «lieux» de fraternité en lien avec «Fratelli tutti» du Pape François, en partant d’une observation récente comme indiquée plus haut, il convient de reconnaître (moi-même en premier), qu’en tant que «religieux», nous ne pourrions jamais prétendre atteindre l’«ossature» du Christ sans pour autant nous débarrasser de tout ce qui nous fait «mourir» intérieurement comme des sépulcres blanchis (Cf. Mt 23, 27) à travers nos appétits mondains.
Etre prêtre pour le peuple entraîne une redoutable exigence: celle de prendre au sérieux, pour soi et pour les autres («Fratelli tutti»), un message qui n’admet pas les demi-mesures puisqu’il se présente comme l’appel radical à la sainteté que Vatican II proclame avec insistance dans le chapitre V de la Constitution Lumen Gentium. Eblouissante affirmation à laquelle nul ne peut se soustraire s’il prétend appartenir à l’Eglise du Christ, logos fait Chair (Jn 1, 14): «Les prêtres doivent grandir en amour pour Dieu et le prochain, garder entre eux le lien de la communion sacerdotale, offrir à tous un vivant témoignage de Dieu. Emules de ces prêtres qui ont laissé, au long des temps, un éclatant exemple de sainteté» (L. G. chap. 5, n° 41). Notre Eglise locale attend encore de Rome, en faveur du Bon cardinal Emile Biayenda: Santo subito!

Eric Béranger N’SONDE
Prêtre en mission pastorale en Italie