L’actualité de notre beau pays oblige à rappeler le contenu sémantique des principales notions et le rôle cardinal de nos Pères évêques dans leur relation avec le Dicastère pour la cause des saints.

Les causes de béatification et de canonisation se déroulent et s’opèrent suivant une procédure extensive de vérification de faits qu’il faut authentifier.
La béatification, selon R. Naz, est l’acte par lequel le Souverain pontife permet qu’un culte public soit rendu à un serviteur de Dieu dans un lieu, une famille religieuse ou une région déterminée. Exceptionnellement cette autorisation peut s’étendre à toute l’Eglise.
On appelle canonisation, poursuit R. Naz, la sentence définitive du Souverain
pontife déclarant qu’un serviteur de Dieu jouit de la gloire éternelle et ordonnant qu’un culte public lui soit rendu par l’Eglise universelle (Cf. R. Naz, dictionnaire de Droit canonique, t, III, Letouzey et Ané, Paris, 1942, coll. 10).
La béatification et la canonisation peuvent être formelles ou équipollentes. Dans le premier cas, elles sont prononcées d’une façon expresse par une sentence qui termine un procès régulier; dans le second, elles résultent d’un simple décret, porté en dehors de la procédure ordinaire et qui se borne, en somme, à constater et à légitimer un culte très ancien basé lui-même sur une renommée de sainteté unanimement admise et sur le bruit fondé de miracles opérés par le personnage qui en est l’objet.
WERNZ (Cf. WERNZ, Jus decretalium, t. III, 2e part. (1908), n.360 sg; Codex juris canonici 17, can. 1277) énumère les sept effets de la canonisation:
1. Les canonisés sont inscrits au catalogue des saints et doivent être reconnus comme tels par tout le monde;
2. Ils sont invoqués dans les prières publiques et on ne doit plus prier pour eux;
3. On peut ériger en leur honneur des autels et des sanctuaires;
4. Ils peuvent avoir messe et office divin;
5. Des jours de fête leur sont consacrés;
6. On peut faire d’eux des statues et images avec gloire et diadème;
7. Leurs reliques sont exposées et honorées publiquement dans les Eglises.
Les béatifiés n’ont pas droit au titre de saint, mais seulement à celui de bienheureux.
Sur les images, leur tête ne doit pas être entourée de la gloire, mais seulement de rayon séparé (radiolis); pas de diadème. Leur culte public se limite aux lieux et modes indiqués par le décret de béatification.
Le culte public rendu aux saints remonte au moins au IIe siècle. Il fut d’abord réservé aux martyrs, qu’on divisait généralement en trois classes: les professores qui s’étaient spontanément offerts au matyre; les confessores, qui, quoique soumis au martyre, avaient cependant échappé à la mort, mais sans aucune intervention surnaturelle, et enfin les martyrs qui avaient expiré de suite du martyre ou n’avaient survécu que par miracle.
D’autres distinguaient les martyrs en martyres designati, qui avaient été seulement désignés pour la mort; martyres coronati, seu consummati qui étaient morts dans les tourments; martyres vindicati auxquels, par un jugement de l’Eglise, un culte public avait été accordé.
Il semble que d’assez bonne heure, dans les Eglises d’Afrique, le jugement était porté par le métropolitain, entouré de ses suffragants; plus tard, il fut réservé exclusivement au primat de Carthage.
C’est seulement après le IVe siècle que l’on commença à honorer d’un culte public les simples confesseurs, c’est-à-dire les serviteurs de Dieu qui, sans avoir jamais subi le martyre, s’étaient cependant distingués, pendant leur vie, par la pratique héroïque des vertus chrétiennes. Là encore ce fût les martyrs, il y eut communication d’un diocèse à l’autre; de sorte qu’on a pu dire que pendant longtemps, il n’y eut pas de canonisation proprement dite ou qu’il y en eut très peu, les pouvoirs de l’évêque se limitant aux frontières de son diocèse et l’intervention du Saint-Siège étant indispensable pour imposer à l’Eglise universelle le culte d’un serviteur de Dieu. Les choses, semble-t-il, allèrent ainsi jusqu’à la fin du XIe siècle. Urbain II qui monta sur le trône pontifical en 1088, et, après lui, Calixe II et Eugène III recommandèrent de ne traiter les questions de béatification qu’en concile et les réserver de préférence aux conciles généraux.
Présentement et comme l’indique le can. 1403, §1 du code de droit canonique de 1983, «les causes de canonisation des serviteurs de Dieu sont régies par une loi pontificale particulière», à savoir la Constitution apostolique de Jean-Paul II Divinus perfectionis magister du 25.01.1983 ainsi que l’Instruction de la congrégation pour les causes des saints, Sanctorum Mater, promulguée le 17.05.2007 (Cf. AAS, n.99 (2007), pp. 465-510), pour le développement de l’enquête. Cette instruction remplace les normes cum in constitutione du 07.02.1983. Un autre document mérite d’être signalé: CONGREGAZIONE DELLE CAUSE DEI SANTI, Le cause dei santi, sussidio per lo studium a cura di Vicenzo Criscuolo-Daniel Ols-Robert J. Sarno Liberia Editrice Vaticana, 2011, 472 p.
Dans son Exhortation apostolique post-synodale Pastores Gregis, Saint Jean-Paul II disait: «Il (Evêque) ne manquera pas (…) d’examiner les signes des vertus héroïques qui se seraient éventuellement manifestés parmi les prêtres diocésains et, lorsqu’il le considérera opportun, il procédera à leur reconnaissance publique, effectuant les démarches nécessaires pour introduire la cause de canonisation» (Jean-Paul II, Exhort apost. Post-syn. Pastores Grégis, n. 47).
Quant à l’attention de l’évêque envers les personnes de la vie consacrée, Jean-Paul II poursuit: «L’Evêque examinera (…) attentivement si, parmi les personnes consacrées présentes dans le diocèse, il y a eu des témoignages de pratique héroïque des vertus et, s’il le juge opportun, il engagera le procès de canonisation» (Jean-Paul II, Exhort. Apost. Post syn Pastores Gregis, n.50).
L’Afrique a besoin de ces modèles, comme disait le Pape François, le 14 novembre passé à la conférence organisée par le dicastère des causes des Saints sur le thème «le martyre et l’offrande de la vie», ce sont des personnes qui n’ont pas seulement eu à nous présenter un effort humain, d’un engagement personnel de sacrifice et de renoncement
mais surtout ceux-là qui se sont laissés transformer par la puissance de l’amour de Dieu.
Aussi connaître le droit de l’Eglise, permettra à tout un chacun de mieux
comprendre le mode de son fonctionnement et surtout la façon dont elle administre la justice.

Abbé Christian Noël DEMBI KOELA
Juriste et islamologue