Telle est la quintessence du projet de loi organique adopté le 1er janvier 2022 par les deux Chambres du Parlement. Elle fixe la procédure de révision de la Constitution du 25 octobre 2015. Ce projet de loi organique constituait un préalable législatif et constitutionnel à toute révision de la Constitution. En effet, l’article 242 de la Constitution du 15 octobre 2015 dispose qu’«une loi organique fixe la procédure de révision de la Constitution».
Elle sera soumise le jeudi 6 janvier à la délibération du Parlement réuni en congrès, qui se prononcera par un vote à la majorité des ¾ de ses membres.
A signaler que l’article 240 de la Constitution dispose que l’initiative de la révision de la Constitution appartient au Président de la République et aux membres du Parlement».
Lorsque l’initiative émane du Président de la République, le projet de révision est soumis directement au référendum, après avis de la Cour Suprême. Il peut être soumis, après avis de la Cour Suprême, au Parlement réuni en congrès, qui se prononcera par voie de vote.
Tel est le cas de ce projet de loi organique qui sera présenté au Parlement réuni en congrès par le Premier ministre ou un ministre désigné à cet effet. La nécessité de révision de la Constitution arrive au moment où l’exécutif juge opportun de réviser l’une des dispositions constitutionnelles, notamment l’article 157 afin de rallonger la durée de l’état d’urgence.
Une décision politique pour adapter, d’une part, la gouvernance aux aléas imposés par la pandémie à nouveau coronavirus, et d’autre part, limiter toutes les dépenses engendrées par les récurrentes prorogations de l’état d’urgence sanitaire.
En adoptant ce projet de loi organique, le Gouvernement pourrait être amené à réviser d’autres articles de la Constitution à chaque fois que le besoin s’en fera sentir. La voie à une série de révisions de la Constitution est ainsi ouverte.
A contrario, lorsque la proposition de révision constitutionnelle émane d’un parlementaire, elle doit être votée par les ¾ des membres des deux Chambres du Parlement réuni en congrès. Le Président de la République est préalablement informé de toute proposition de révision de la Constitution. (Article 241).

Contradictions entre
deux membres
du Gouvernement

Lors de l’examen du projet de loi à l’Assemblée nationale, les contradictions sont apparues entre deux membres du Gouvernement et parlementaires et entre les membres du Gouvernement sur l’éventualité d’un débat préalable avant le vote au congrès et sur le fait que l’initiateur de la proposition de loi ne peut présenter l’affaire devant le congrès.
Sur le débat à instaurer avant le vote de la loi au congrès, les deux ministres présents dans la salle ont eu des points de vue divergents sur la question. «Il n’y a pas débats devant le congrès», a soutenu le ministre de la Justice Aimé Wilfrid Bininga.
«Comment ça?», a rétorqué le ministre d’Etat Pierre Mabiala, chargé des relations avec le Parlement.
«Sinon au référendum, on aurait des débats avec chaque groupe», a répliqué le ministre Bininga.
«Si! il y a toujours débats», a insisté le ministre d’Etat Pierre Mabiala. «Non!», a réfuté le ministre Bininga.
«Puisqu’on désigne cinq intervenants, il y a forcément débat», soutient le ministre d’Etat.
«C’est pour donner le point de vue de chaque groupe», expliqué le ministre Bininga.
«Les cinq qui s’inscrivent font quoi?», s’est interrogé le ministre d’Etat. Et le ministre de la Justice de répondre: «Ils appellent à voter oui, à voter non ou à l’abstenir». «Ah bon!», s’est exclamé le ministre d’Etat. «C’est ça», a renchéri le ministre de la Justice.
«Ils ne posent pas de questions?», s’est à nouveau interrogé le ministre d’Etat.
«Comment voulez-vous», a dit le député Ngalessami, «que nous puissions aller au vote ou à l’adoption sans débattre. Aucune loi ne passera comme ça et ça n’a jamais existé. Il faut qu’il y ait un échange. Quand on est au référendum, ça veut dire qu’il y a une loi qui existe déjà. Là, il n’y a plus débat. Ici, nous sommes en train de traiter des projets et propositions de loi qui commandent le débat avant l’adoption».
Embarrassé, le député Blaise Ambéto a pris la parole pour poser une question de procédure. «Lorsque dans l’examen d’un projet de loi, le Gouvernement se met en contradiction devant la plénière, qu’est-ce qu’on fait?».
«On regrette», répond Isidore Mvouba. Et d’ajouter: «Ce qui me surprend, c’est que le Gouvernement a vite fait de capituler. C’est son premier module qui est bon. J’initie ma loi et j’arrive dans la salle. On doit me donner la parole».
S’agissant de la proposition de révision de la Constitution, les députés ont estimé que l’initiateur de la proposition doit présenter son texte. «La Constitution donne aux membres de l’Assemblée nationale la compétence d’initier la révision et à la présenter. Nous disons que l’initiateur ne peut pas présenter son texte. A mon avis, il y a une certaine faiblesse à ce niveau-là», a expliqué Benoît Batchi.
A son corps défendant, le président de la Commission affaires juridique, Fernand Sabaye a dit que la Commission a simplement voulu sur cette question établir la solennité. «Nous sommes au Parlement réuni en congrès. Le congrès n’est pas structuré en commissions ni en interventions. Les interventions se font par groupe parlementaire et chaque groupe peut inscrire une à cinq personne. La seule structure qui canalise le congrès, c’est le bureau de l’Assemblée nationale reconnu par la Constitution. Et le premier secrétaire présente les textes simplement et le débat se fait par groupe. Ce n’est pas l’occasion de permettre à un parlementaire fût-il, de venir présenter son texte, ce n’est pas un débat individuel, mais de groupe», a-t-il précisé, justifiant le choix porté sur le premier secrétaire de l’Assemblée nationale de présenter devant le congrès la proposition de révision de la Constitution.
L’article 12 amendé de cette loi organique dispose que «les groupes parlementaires de chaque chambre inscrivent un ou cinq orateurs qui prennent la parole et les débats se déroulent conformément au règlement du Parlement réuni en congrès».
«Nous revenons à la reformulation du Gouvernement», a conclu Isidore Mvouba. Après quoi, la loi organique fixant la procédure de la révision de la Constitution a été adoptée par les députés, tout comme les sénateurs qui l’ont fait pour leur part le 31 décembre dernier.

KAUD