Depuis toujours, le paysage médiatique au Sénégal est riche et dense. Il fait partie des plus réputés du continent. Mais, comme c’est souvent le cas en Afrique, les moyens matériels et financiers n’accompagnent pas toujours le noble travail des professionnels du micro et de la plume, exerçant leur métier tantôt dans des conditions précaires. Le pays de Léopold Sédar Senghor n’en fait donc pas exception.

Confrontée à de nombreux défis, la presse au Sénégal déplore le manque de soutien des nouvelles autorités. Alors que l’ancien président Macky Sall avait annoncé que l’Etat effacerait l’ardoise des journaux vis-à-vis des impôts, le nouveau pouvoir, lui, multiplie les contrôles fiscaux et les mises en demeure de paiement.
Pour preuve, deux titres ont disparu ces jours-ci des kiosques à journaux au Sénégal: Stades et Sunu Lamb (notre lutte), en wolof. Ce sont deux quotidiens sportifs, le second étant entièrement consacré à la lutte traditionnelle. Même si Mamadou Ibra Kane, directeur des deux titres qui employaient une vingtaine de journalistes, espère que «ce n’est pas un arrêt total», mais plutôt une «suspension de la parution». Le directeur des deux quotidiens sportifs est par ailleurs président du Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal. Créés respectivement en 2003 et 2004, les deux journaux étaient tirés à 15 000 exemplaires.
Dans une déclaration datée du 6 août 2024, la Coordination des associations de la presse (CAP) a prévenu que d’autres fermetures pourraient suivre et que des pertes d’emplois sont inévitables. Lors d’un meeting le 9 juin, le Premier ministre Ousmane Sonko avait visé les entreprises de presse, soulignant que leurs impôts impayés pourraient être assimilés à des détournements de fonds.
Le président sortant, Macky Sall, avait pourtant annoncé en mars, à une semaine de l’élection présidentielle, que l’Etat effacerait l’ardoise fiscale en guise de soutien à un secteur en souffrance. Une promesse que le nouveau pouvoir ne se sent pas tenu d’honorer.
Si le lectorat lui est considéré comme vieillissant, il apparaît encore évident que contre les contrôles fiscaux, les professionnels fulminent face à la suspension des conventions commerciales qui les liaient aux structures publiques. D’ailleurs, la direction des impôts qui hante aujourd’hui les médias était jusque-là un annonceur fidèle.

Aristide Ghislain
NGOUMA